lundi 6 août 2012

48° entretien - L'humain et son territoire

L'humain et son territoire


Ouverture.


On a l'habitude de parler d'animaux territoriaux. L'exemple qui vient à l'esprit est celui du chien de garde même si sa domestication peut ne pas être représentative de son comportement quand il est loup à l'état sauvage. Pour le chien, le territoire occupé par la maison du maître et les abords donnent lieu à de rudes aboiements et à de l'agression. On a lu également des textes où des animaux marquent leur territoire de leurs urines ou de leurs phéromones. Enfin, toute personne qui s'intéresse de près aux oiseaux sait que leurs chants qui peuvent tellement lui plaire sont soit des appels sexuels soit la manifestation que la place occupée par le chanteur lui appartient. Qu'en est-il pour l'humain?

La petite maison dans les dunes.

Il y a 50 ans, des enfants allaient en colonies de vacances à Stella Plage, dans le nord de la France. L'une des randonnées les plus plaisantes consistait à quitter la résidence après la sieste par un bel après midi d'été et, munis des tartines à la confiture bien protégées, de se rendre à la plage à travers les dunes. Il y avait deux kilomètres environ de chemins dans des sous bois de pins maritimes. L'odeur des arbres et de l'humus était envoutante. Une fois arrivés, il y avait dégustation du bain puis des tartines.
Beaucoup des colons de cette époque en ont gardé un si bon souvenir qu'ils se sont empressés, une fois leur situation professionnelle et familiale réalisées, d'acheter un bout de terrain sur ce parcours et, selon leurs besoins et leurs avoirs, d'y installer de petites ou de grandes villas.
S'il nous venait à l'idée de refaire cette belle randonnée d'il y a 50 ans, ce ne serait plus possible. Tout le territoire a été partagé entre ces humains et la seule concession qu'ils ont laissée c'est la possibilité de construire une route triste et sans intérêt qu'il est préférable d'emprunter en automobile.

Manet2:
Il y a plus d'humains donc des avantages et des inconvénients nouveaux. Tous veulent des logements.
Comparer la territorialité d'un animal et celle d'un humain me gène.

Manet1:
L'humain est un animal.

Manet2:
Si je te dis "arrête espèce d'animal", tu ne l'acceptes pas? Pourquoi?

Manet1.
Presque tous les humains estiment qu'ils sont extrêmement supérieurs à l'animal et si on leur dit "espèce d'animal!" ils se sentent insultés. Mais l'éthologue n'est pas insulté car pour lui c'est comme si on lui disait
"espèce d'homme!".

Manet2:
Si on traverse ta propriété, comment réagis-tu?

Manet1:
Comme tous les humains et comme tous les animaux: c'est mon territoire et on n'y passe qu'avec mon accord. Mais il faut répéter que tous les animaux donc l'humain agissent ainsi.





Explication.

Vous sortez de la résidence des colons et devant vous se dresse une villa avec un jardin bien entretenu entouré d'une clôture imposante. Ouvrez la porte. Rapidement, s'il est là, un humain vient au devant de vous et vous demande la raison de votre visite. Vous lui répondez que vous allez à la plage et que c'est le chemin le plus court pour s'y rendre. Vous êtes dans l'erreur et, plus grave, vous êtes en infraction avec le code civil: ce terrain est la propriété exclusive du titulaire et, en d'autres circonstances ou en d'autres régions, il peut vous expulser sous la menace d'une arme à feu donc sous la menace de vous blesser ou de vous tuer. C'est son territoire.

Les territoires géographiques d'un humain.

Un humain ne possède pas seulement une villa à la mer. Même s'il est locataire, le logement qu'il occupe lui appartient avec la même autorité. Essayez d'entrer dans l'un de ces appartements après l'avoir ouvert avec un passe partout. Vous ne serez pas mieux traité que si vous entriez dans la caverne d'un ours ombrageux.

Mais les humains se différencient beaucoup des lapins de garenne. Quand vous avez visité un nid, vous les avez tous visité. Tous se ressemblent. Un peu moins chez les humains. Les Sans Domiciles Fixes possèdent, chaque soir, deux mètres carrés de territoire à titre tellement précaire qu'ils peuvent en être délogés par d'autres humains ou par des intempéries tandis que les milliardaires possèdent des kilomètres carrés de surface terrestre soit pour leur usage exclusif soit pour y faire séjourner d'autres humains qui viennent y travailler c'est à dire rechercher leurs ressources de vie qu'ils partagent avec eux.

Manet2:
Je suis d'accord avec ce texte.

Manet1:
C'est normal: tous les animaux sont différents et quand on dit "espèce d'animal" à un humain on ne dit surtout pas "espèce de chien" ou "espèce de lapin de garenne"

Les autres territoires.

Les SDF possèdent également, mais en très petite quantité, de la monnaie qu'ils échangent pour des ressources de vie de stricte nécessité. Les milliardaires comme leur nom l'indique en possèdent des quantités pour ainsi dire infinies. Et celles-ci se transforment également en ressources de vie mais où la nourriture joue un rôle très modeste. Étant donné qu'il nous serait aussi difficile de venir prélever une part de cette monnaie pour notre usage comme nous ne pouvons pas traverser la villa pour aller à la mer, nous estimerons que la monnaie possédée par un humain est également un territoire.

Manet1:
Le riche a de des maisons et de l'argent et tout cela c'est son territoire ... donc ses ressources de vie. 

Mais entre le SDF et le multi-milliardaire, il y a les 7 milliards d'humains dont les territoires vont en croissant. Ces territoires, ce sont, bien entendu, les lieux qu'ils occupent de droit, la quantité de monnaie qui leur appartient mais également tous les éléments qui leur permettent de trouver leurs ressources de vie: les lieux qu'ils occupent pour le travail, les diplômes qu'ils ont acquis et toutes les compétences qui y concourent. Pour l'éthologie, le génie d'un grand compositeur, la virtuosité d'un musicien reconnu au niveau international, ou le certificat d'aptitude professionnelle de chaudronnier qui permet à un humain d'être recruté et classé dans une grille indiciaire sont des territoires.

Manet2:
Nous les humains nous sommes plus libres que les animaux qui sont plus soumis que nous aux lois de la nature. 
Les animaux se battent entre eux pour obtenir des ressources de vie. Chez les humains, il y a des préférences: tous les humains ne veulent pas la même chose. Il y a des lois. Donc il y a moins de lutte chez les humains. Il y a du dialogue. 

Manet1:
Les non-humains ne se battent pas à l'intérieur de leur espèce avec plus de violence que les humains car il n'y a aucune différence entre les humains et les non humains dans leur rapport à l'intérieur de leur espèce. Nous avons tendance à penser que le loup qui dévore un agneau est cruel. C'est vrai que cela saigne alors que l'humain qui mange un gigot d'agneau le fait, selon nous, proprement. Mais dans leur rapport entre loups il n'y a pas plus de violence qu'entre les humains. Il y a des règles. Si la transgression est très forte, que ce soit chez l'humain ou chez les loups, il y a passage à la violence.

Manet2:
Les animaux n'ont pas de courrier, ni d'ordinateur.

Manet1:
Ils n'en ont pas besoin et pour utiliser le courrier et l'ordinateur, il faut des mains. 

Manet2:
C'est pour cette raison qu'on ne peut se comparer à 100% aux animaux!

Manet1:
On peut se comparer à 100% mais on n'est pas identique à 100%. Tous les vivants ont besoin de ressources de vie et de ressources de reproduction et là, les plantes y comprises, tous les vivants sont identiques mais c'est dans la manière d'acquérir ces ressources qu'il y a des différences car il faut tenir compte des compétences de chaque espèce: végétal, insecte, carnivore, primate .... etc. 

Manet2:
Combien de temps par jour tu penses aux animaux et aux végétaux?

Manet1:
Autant de temps qu'ils consacrent à moi.

Manet2:
Donc pas du tout! Le lion...

Manet 1:
Si je me trouve un jour en vacances dans la savane et qu'un lion se trouve en situation de me dévorer: il pensera beaucoup à moi comme lorsque je me régale avec un gigot d'agneau et de mon côté, je tremblerai de tout mon corps devant le sort qui m'est destiné. 

Manet2:
Mais cela donne une fausse impression que les animaux et les humains sont soudés. 

Manet1:
Le lion et moi dans l'histoire précédente nous sommes soudés par hasard mais fortement. Il n'empêche que chaque jour, chaque humain mange environ 120 grammes d'animal et 500 grammes de végétaux. Si nous ne mangions aucun vivant chaque jour nous mourrions inexorablement. Donc par cet aspect nous sommes plus soudés que nous ne le pensons. Il est vrai que lorsque nous passons à table, nous ne pensons jamais au gentil petit veau que fut le bœuf miroton. Et quand nous allons nous promenez dans le bois nous oublions que lorsque sur Terre, il y a 150 000 ans, nous n'étions que 200 000 humains, les animaux non humains de notre dimension nous dominaient fortement.  

Manet2:
Mais entre humains on ne fait même pas ce qu'il faut. Pourquoi s'inquiéter du petit veau mené à l'abattoir alors que les humains entre eux agissent cruellement.

Manet1:
Ce n'est pas le sujet de notre débat. Tous les animaux s'ils veulent vivre doivent se nourrir d'autres animaux car ce sont des vivants hétérotrophes. Seules les plantes sont autotrophes c'est à dire qu'elles se nourrissent directement de l'énergie solaire par leurs feuilles et de la chimie par leurs racines. Qu'un animal d'une espèce en mange un autre d'une autre espèce, ce n'est pas cruel, c'est la règle. 

Manet2:
Pour la viande, l'humain doit avoir de l'argent. Et pour l'argent, il faut travailler.

Manet1:
Le travail est la manière humaine - espèce sociable - de trouver ses ressources de vie. 

Manet2:
Nous sommes différents des animaux!

Manet1:
Donc les humains sont d'une nature différente des animaux et depuis 3 milliards d'année, depuis que les vivants sont apparus il y aurait eu une lignée originale pour les humains? Es-tu d'accord? Alors que l'humain moderne n'apparaît qu'il y a 150 000 ans, qu'il se différencie du chimpanzé il y a 6 millions d'années. Ou bien il est arrivé dans une soucoupe volante d'un autre univers ....

Manet2:
Nous sommes différents! Il faut parler des différences.

Manet1:
Depuis quand? Et pourquoi?  "Pourquoi" pas "comment" sommes-nous différents. Et pourquoi à un moment de l'histoire des vivants: il y a eu d'un côté des humains et de l'autre des non-humains. 

Manet2:
Les humains ont des mains et un cerveau. 

Manet1:
Donc ce sont les mains et le cerveau de l'humain qui le rendent si différent des autres animaux? 

Manet2:
C'est ce qui donne de l'avance à l'humain. N'oublions pas également la parole

Manet1:
Nous sommes d'accord.  Mais tout cela sert uniquement à trouver les ressources de vie et les ressources de reproduction. Notre supériorité vient de notre nombre. Si nous étions resté à 150 000, ce sont d'autres animaux qui serait extrêmement nombreux et ce sont eux à qui il faudrait accorder la supériorité. Es-tu d'accord que notre supériorité est lié à notre nombre? 

Manet2:
Ils ne pourraient faire ce que nous faisons: construire des hôpitaux etc..

Manet1:
Mais ils nous mangeraient en grande quantité. Et on ne peut construire des hôpitaux que lorsqu'on évolue dans les millions d'humains. Dans les centaines de mille, il n'y a ni hôpitaux, ni villes et seulement de petits villages et des huttes ou des cavernes. 

Manet2:
Nous avons les mêmes égards vis à vis des animaux que eux envers nous.

Manet1:
Oui. Et la différence éclate aux yeux: il suffit de comparer un papillon et un humain. 

Manet2:
Nous n'imposons pas notre supériorité.

Manet1:
Elle s'impose d'elle même. Par exemple si chaque humain mange 120 g de viande par jour, s'il y a 100 000 humains, cela fait 12 tonnes c'est à dire 24 bœufs par jour si un bœuf moyen pèse 500 kg. A 7 milliards, cela fait 840 000 bœufs par jour. Cela s'impose tout seul car il faut absolument en tuer autant. 

Manet2:
Nous avons tous besoin l'un de l'autre. Les animaux se nourrissent les uns des autres.

Manet1:
Mais peut-être y a t il des limites en ressources de vie telles que la pétrole, l'alimentation. Les humains transforment beaucoup la nature. Peut-être finiront-ils pas l'étouffer.

Manet2:
Parfois, on accuse trop l'humain. Si on ne tuait pas les sangliers, il n'y aurait pas de champs de maïs. 

Manet1:
Nous sortons du champ de l'éthologie pour entrer dans celui de l'écologie. Il y a eu dans l'histoire du vivant 5 grandes extinctions dont la dernière remonte à la disparition des dinosaures il y a 69 millions d'années. Certains évolutionnistes disent que depuis la révolution agricole, il y a 10 000 ans, nous sommes entrés dans la 6° extinction: il n'y a plus de bisons, de mammouths etc et cela est du à l'activité humaine. Il est probable que dans 50 ans, il n'y aura plus d'animaux sauvages de plus de 40 kg sauf domestiqués ou dans les zoos. Nous ne pouvons pas dire s'il y a un risque pour les humains mais la diversité animale diminuera beaucoup. Comme les humains continuent à déforester de manière importante, il y aura de moins en moins d'arbres. Là aussi nous ne savons pas quelles sont les conséquences. Peut - être que dans 1000 ans , il n'y aura plus que des humains sur terre. 

Manet2:
Je n'y crois pas!

Manet1:
IL suffit de se promener en ville et de comparer avec la situation d'il y a 2 000 ans pour dire qu'en ville, il n'y a plus d'animaux. 

Manet2:
Les animaux sont autour de la ville ou en Inde.

Manet1:
Il y a 2000 ans, la forêt de Mormal était pleine d'ours, de loups, etc ...

Manet2
Nous ne pouvons pas cohabiter avec les ours et les loups.

Manet1:
Il y a 2000 ans, nous n'avions pas le choix. Aujourd'hui avec 250 000 habitants dans l'arrondissement et des milliers de fusils, en effet, il y a le choix: on a tué tous les ours et tous les loups. 

Manet2:
S'ils étaient restés, on risquait d'être dévoré. A un moment, il faut choisir: eux ou nous. 

Manet1:
C'est ainsi que se fait l'évolution: c'est le mieux adapté qui occupe la place et le moins adapté qui disparait. Donc l'humain est un animal qui a réussi jusqu'à présent.  


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Manet1:
Les animaux ont des comportements différents selon leurs espèces. Par exemple, la femelle émeu pond un ou deux œufs puis elle s'en va et c'est le mâle qui doit s'en occuper. 

Manet2:
Nous faisons entre un et plusieurs enfants alors que les animaux en font un nombre précis.

Manet1:
Il semble que plus le cerveau des animaux est important moins leur comportement est stéréotypé. Quand on passe sa vie à observer les mammifères supérieurs, on constate qu'il y a de grandes différences à l'intérieur des espèces comme par exemple chez les primates, les éléphants, etc..

Manet2:
C'est ce qu'on croit. Ce n'est pas sûr.

Manet1:
A partir du moment où des savants ont consacré leur vie à observer par exemples les primates, ils ont fait des découvertes que tous ont reconnus comme étant scientifiques. Il faut relire Carol Stump et son livre sur les babouins.

Manet2:
Chez nous, il y a des sautes d'humeur et des comportements différents. Je n'arrive pas à adhérer.

Manet1:
On n'adhère pas à un discours scientifique. On adhère à une religion. Quand on relit Carol Stump on voit que les babouins entre eux sont aussi différents que nous entre nous.

Manet2:
Les oiseaux?

Manet1:
Tu n'a jamais observé un même groupe d'oiseaux pendant une journée! Ni moi non plus.

Manet2:
On dirait que tu as observé. Il y a 3 personnes qui vont observer et elles ne seront pas d'accord.

Manet1:
Il faudrait que tu nous montres ces trois auteurs qui ne sont pas d'accord!

Manet2:
Il y a de la logique. mais ce n'est pas toute la vérité.

Manet1:
Les humains n'investissent que là où ils peuvent trouver des ressources. L'observation des animaux n'en rapportent pas beaucoup comme en rapporte l'observation du cancer chez les humains. C'est pour cette raison qu'il y a plus de cancérologues que de primatologues ( observateurs des primates). Mais, il ne faut pas oublier que tous les vivants descendent des premières cellules vivantes d'il y a 3 milliards d'années et par conséquent, si on raisonne en éthologue, dans les principes on a raison même si les preuves nous manquent.

Fermeture.

La notion de territoire en éthologie est une notion simple qui s'applique à tous les vivants, plantes et animaux. Pourquoi l'avoir oublié chez l'humain. Peut-être parce que nous pensons que chez nous c'est toujours plus difficile que chez les autres. Un Français pense que sa langue est l'une des plus compliquées - et des plus belles - du monde. Comme le chinois ou l'indien Yanomani.

Comme le chien, le moustique ou le peuplier.

Mais ne cédons pas à la réduction. Les vivants comme le non-vivant sont des êtres si complexes que nous n'en connaissons - et n'en connaîtrons jamais - qu'une infime partie.


Manet2:
Je suis d'accord avec la conclusion

Manet1:
La conclusion découle du fait que nous n'avons pas beaucoup de ressources à dépenser pour observer 24h sur 24 tous les vivants.  
 
 

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