jeudi 15 avril 2010

11° entretien

Onzième entretien
Manet2 et Manet1

15 avril 2010
( Turquie - Aspendos - mars 2006)


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Manet2:
Depuis la lecture du livre de Shirley Strum ( wikipedia ) , dès que je pense animal, je pense humain. Est-ce normal ? S. Strum écrit « comprendre la vie des babouins pour comprendre l’adaptation de l’humain ».

Manet1:
Il y a un problème sur le mot « animal ». Ce mot a une signification avec un aspect négatif et un aspect positif. D’un côté, il est synonyme de bestial. Et d’un autre côté, il a une connotation positive. Quand on s’intéresse aux animaux non humains, on est étonné par leur beauté et leurs compétences. La sterne arctique ( wikipedia ) hiverne sur le continent antarctique et passe l’été sur le continent arctique. Chaque année, elle fait le tour de la Terre.

Mais il faut dépasser les histoires que l’on raconte aux enfants. Toutes ces vies sont complexes. Par exemple, il est passionnant de voir comment les fourmis recherchent leur nourriture. Elles vont à l’aventure et, périodiquement, déposent une trace odorante sur le chemin emprunté. Si elles ne trouvent rien, l’odeur s’évapore peu à peu et disparaît. Dans le cas contraire, en revenant vers leur nid elles redéposent une odeur ( une phéromone) qui lui permet de retrouver son chemin. Si un autre individu passe par là, il va suivre l’odeur et s’il trouve encore de la nourriture, il va revenir au nid en redéposant à nouveau une odeur. Donc plus il y a d’odeurs, plus les fourmis s’y rendent et quand la ressource s’épuise, il y a de moins en moins de fourmis et les odeurs disparaissent peu à peu.

Nous regardons cela de notre hauteur et quand nous ne savons pas que cela fonctionne de cette manière, nous estimons que « ça remue ». En réalité, il y une logique qui nous montre que la vie des animaux est plus « intelligente » que nous ne l’imaginons. De ce point de vue, la notion d’animal n’est pas négative.

Le problème est que dans la définition « animale » on exclut l’humain: est animal ce qui n’est pas humain donc on ne peut plus dire que l’humain et l’animal ce soit la même chose. Si par définition, « l’animal ne pense pas », « il ne souffre pas » etc. l’animal est différent de l’humain.

Prenons un autre exemple, chez les humains cette fois-ci. Il y a 150 ans, les ancêtres des africains des États-Unis étaient des "nègres" et des esclaves. Si à cette époque on avait proposé la candidature d’un esclave nègre à la présidence des États-Unis, la majorité des électeurs aurait protesté. Jamais ils n’auraient voté pour un esclave qui ne pense pas, qui ne sait que porter de lourds fardeaux et danser la bamboula. Aujourd’hui personne ne parle du nègre Obama.

Animal et nègre sont des mots tendancieux. Le nègre aime ses enfants et sa femme mais il est paresseux et intellectuellement limité : c’est un sous-homme. Rappelons-nous la propagande nazi qui obligeait les soldats noirs de l’armée française faits prisonniers à danser des danses africaines pour les ridiculiser et ridiculiser la décadence française. Il faut changer la signification du terme animal. La meilleure réponse est de dire que tous les humains sont frères, tous les animaux aussi et tous les vivants également.


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Manet2:
Il y a beaucoup de dichotomies : nature / culture, animal / humain, bien / mal. Mais la différence est, en général, artificielle.

Manet1:
Arrêtons-nous sur la dichotomie nature / culture. On en a beaucoup parlé dans les années 70. A présent, ce n’est plus très à la mode. Quand les gens opposent nature à culture, ils laissent entendre que la culture ce serait l’humain et la nature, le non-humain. C’est une erreur. Il faut dire nature et culture pour les humains : la nature fait partie de la culture. Chaque vivant à une nature / culture différente.
Il y a une autre dichotomie qui était à la mode dans le passé, c’était matière et esprit où l’esprit est non matière et matière non esprit. Cette dichotomie n’a aucune consistance.

Manet2:
Shirley Strum explique très bien le rapport intime entre nature et culture chez les babouins. Par exemple la mot univers n’est ni positif ni négatif. Il faut toujours y penser.

Manet1:
Au fur et à mesure de nos entretiens nous devons inventer ou donner de nouvelles significations aux mots simples. On ne peut se permettre d’inventer un langage éthologique spécialisé que personne ne comprendrait. Par contre, il faut être très pointilleux sur la manière dont nous les utilisons. Une personne disait ce weekend que l’humain créait des objets et que la Terre faisait de même en créant du potassium. C’est une erreur car le mot créer a une signification différente dans les deux cas et l’ordre des réalités est tout à fait différent. D’une part il y a la vie – celle que nous connaissons - et qui est strictement terrestre même si elle est apparue il y a 3 milliards d’années. Par contre, le potassium existe sur Terre et dans tout l’Univers. La Terre ne représente que 0,01% su système solaire et des systèmes solaires il y en a des trillards de trillards de trillards. Comparer un phénomène qui concerne la Terre, un objet humain avec un phénomène qui concerne l’univers n’a pas de sens.

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Manet2:
Je me suis arrêté sur le mot liberté. Dans liberté, il y a plaisir, oisiveté, et surtout liberté d’expression. Mais la liberté peut être nocive. Les Princesses de Monaco bénéficient d’une grande liberté mais elles n’apportent rien à personne. Leur passage sur Terre est raté. C’est vrai aussi pour des personnes que je ne connais pas.

Manet1:
Ce n’est pas vrai que la présence des Princesses sur Terre est inutile. Mais nous traiterons spécifiquement de cela une autre fois. Nous avons effleuré le sujet lorsque nous avons parlé du rôle des riches.

Manet2:
L’argent apporte de la liberté.

Manet1:
Nous verrons. Parlons de la liberté et plus particulièrement de notre perception de notre liberté. Que signifie « je me sens libre » ? Certes, j’ai un sentiment de liberté, j’ai l’impression d’être libre. Je suis venu ce matin et je pouvais ne pas venir. Je vais rentrer tout à l’heure et je pourrais ne pas rentrer. Il faut revenir à une vision darwinienne. J’ai fait un pas en toute liberté mais ce pas a annulé tous les autres pas potentiels que j’aurai pu faire. En venant à cette rencontre, je ne suis pas allé ailleurs. A chaque instant, nous faisons un choix qui supprime toutes les autres possibilités.

Manet2:
Donc la liberté a bien été utilisée. Mais qu’est ce qu’une liberté ?

Manet1:
Nous ne traitons pas de la liberté en général. Allons-y pas à pas.
Voici le livre de Hugo Lagercrantz, « le cerveau de l’enfant ». Il part de la conception de l’enfant au moment où l’haploïde féminin rencontre l’haploïde masculin ( wikipedia ). A ce moment là, il y a zéro neurone. Mais au moment de la naissance, quand il sort du ventre de sa mère, le bébé en possède 10 milliards. C’est un organe et un centre qui anime tout le corps. Dès qu’il apparaît, il commence à jouer son rôle. Dans le ventre de sa mère, un bébé reconnaît des bruits familiers et les musiques qu’écoutent ses parents parce que son cerveau est déjà en train de se créer. S’il n’y avait pas de neurones, il n’y aurait aucun enregistrement de ce qui se passe dans l’environnement.

Les neurones ne suffisent pas : il faut les mettre en communication grâce aux synapses. Jusqu’à l’âge de 7 ans, il s’en crée en moyenne 2 millions à la minute. Le cerveau dirige tous les autres organes qui sont au nombre de 80. Quand l’enfant sort à l’air libre, grâce à ce million de connexions à la seconde, ses gestes deviennent plus précis, son regard aussi, ses mots se forment, l’ouïe entend mieux. Quand on garde un petit enfant, il faut penser à cette évolution de chaque seconde. Nous admirons ses progrès et pensons qu’il devient de plus en plus intelligent. Pas précisément : cela est dû essentiellement à la création des synapses.

Revenons à la liberté. Quand le bébé est né, il avait probablement un sentiment de liberté et à 7 ans également, mais un autre. Nous voyons bien que ce sentiment est lié aux neurones et aux synapses de son cerveau. S’il n’avait pas eu de cerveau par manque d’irrigation sanguine ou à cause d’autres accidents, il y aurait aussi un sentiment de liberté mais bien différent du notre.

Manet2:
Nous sommes tous égaux. Deux enfants viennent au monde. L’un est abandonné et l’autre au milieu de ses parents : ils seront très différents.


Manet1:
Ces différences nous les rencontrons en tant que visiteurs de prison. C’est le hasard si le détenu est en prison et nous en liberté. Un enfant fait 2 millions de synapses à la minute qui se forment en fonction de ce qui les entoure. D’un côté, il y a un père, grand musicien qui ne cesse de jouer de la musique. Le million de synapses à la seconde en prend les contours. Un autre enfant vit dans une famille qui ne cesse de se battre et de boire : les synapses enregistrent cela comme la normalité.

Il y a un écueil à éviter. Certains hommes politiques font une analyse qui se rapproche de celle-ci mais ils en tirent des conclusions hâtives : il faut détecter la dangerosité dès l’enfance et la traiter dès que possible. Ils disent que cela est inscrit dans l’ADN. On voit bien que c’est faux. C’est inscrit dans les synapses et si l’on retirait l’enfant dès sa naissance à cette famille, il inscrirait autre chose. Pour la génétique, les jeux sont faits dès la rencontre des deux haploïdes mais la dangerosité vient de l’environnement et elle ne joue qu’après la naissance et donc on peut y parer au moment où le cerveau enregistre, s’adapte et apprend.

Alicia de Larrocha ( wikipedia ) disait que c’étaient ses parents qu’il fallait traiter de génies de la musique et non elle-même car dès l’âge de 4 ans ils l’avaient mise paisiblement devant un piano et lui en avaient appris tous les secrets en tenant compte de ses goûts. Un musicien doit être fortement conditionné. Tant mieux pour lui s’il plait car sinon, c’est la catastrophe. Si nous reprenons nos deux familles, dans la première il y a beaucoup plus de chance qu’il y ait un génie musical que dans la seconde. La cause : le cerveau a appris et il s’est formé dans un contexte donné. Il n’est plus possible de revenir en arrière. Nous, nous parlons de réinsertion des détenus parce que nous supposons que tous les enfants sont identiques à un moment donné et qu’il suffit de sanctionner assez fort pour faire revenir dans le bon chemin. On ne revient jamais dans le droit chemin. D'ailleurs, il n'y a pas de droits chemins, il n'y a que des chemins tout court.

Manet2:
Il faut être à leur écoute et les aider. Dans les bonnes familles, cela ne va pas toujours dans le bon sens. Les parents veulent une chose et les enfants une autre et il y a crise. Un fils de médecin voudra être artiste.


Manet1:
C’est vrai. La raison est la suivante : les synapses enregistrent tout. Il y a des milieux très harmonieux au niveau des parents, des grands parents et de la société qui les entoure. Les enfants entendent les parents et ceux-ci entendent les enfants. Alors il est possible que les enfants fassent ce que les parents souhaitent ou que les parents acceptent ce que les enfants veulent. Leur développement s’est fait en harmonie avec les parents et ils se sentent libres. Donc on trouve des PDG dans des familles d’artistes et des artistes dans des familles de PDG. Il y a l’anecdote suivante : les parents de Lalanne ont exigé de rencontrer ceux de Dutronc avant d’accepter qu’il devienne son pianiste. Aujourd’hui ce sont des célébrités. A cette époque, le premier était mineur et l’autre à peine majeur. Sur le long terme, les deux ont utilisé le sérieux gestionnaire des parents enregistré dans leur cerveau : il ne suffit pas d’être artiste, il faut bien gérer sa carrière. Donc il y avait désaccord avec les parents sur le métier mais pas sur la manière de gérer sa vie. C’était au sujet de la liberté. Il faudra encore approfondir le sujet.


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Manet2:
Continuons à passer en revue le livre de S. Strum. « Longtemps on a considéré que les animaux avaient une âme. Ils convenaient de les adorer, séduire ou les craindre. On leur prêtait des intentions et des pouvoirs surnaturels. »


Manet1:
C’est le chamanisme. Il s’agit de religions qui existaient bien avant celles que nous connaissons aujourd’hui et qui existent encore par-ci et par-là. On y rencontre essentiellement des animaux et des plantes contrairement aux grandes religions actuelles qui font intervenir quasi exclusivement des êtres humains sauf dans l’hindouisme où l’on côtoie également des éléphants, des vaches et des singes.

Le chamanisme donnait beaucoup d’importance aux animaux parce que plus l’on remonte dans le passé plus l’humain est démuni vis-à-vis d’eux que ce soit pour se nourrir ou pour se protéger. Aux grands débuts, l’humain ne possédait que des pierres brutes et sa sociabilité. Pris individuellement, les grands animaux comme l’ours ou le loup, étaient les plus forts. C’est aussi cela qui a renforcé la sociabilité des humains. Un groupe de 100 ou plus d’humains faisait du bruit pour effrayer des bêtes et s’arrangeait pour l’envoyer se jeter du haut d’une falaise comme le faisait encore les Indiens lors des chasses aux bisons aux XVIII° siècle. La vision des animaux était donc différente de la nôtre. Les lions ou les tigres étaient encore les plus forts contre les africains au XVII° siècle : il était difficile de les tuer et il fallait les tenir à distance avec du bruit ou du feu.

Comme l'animal est le plus fort, on a tendance à lui attribuer une origine divine. Les chamanistes quand ils chassent, demandent au dieu des animaux de leur accorder une proie en échange de prières ou de dons en nature et le remercient de sa générosité. Le statut des animaux a baissé le jour où l’humain est devenu définitivement supérieur à lui, quand il y a eu de grands regroupements sous forme de villes ou d’armées. Il y a encore des humains qui veulent un combat singulier avec des animaux. Au Moyen Age, lors de chasse à l’ours, certains voulaient se mesurer à lui avec un simple poignard. Aujourd’hui, il y a les corridas. Quand la lutte a été difficile, les spectateurs applaudissent la combativité du toro. En face de lui, il y a un homme seul mais avec une épée et des banderilles. Puis le statut des animaux s'est encore dégradé avec l'apparition des élevages en batterie, des abattoirs industriels et par toutes sortes d'autres excès. Au temps des chamans, on pouvait encore dire mon frère à l’élan mais pouvons-nous dire mon frère au poulet de batterie ?

Manet2:
Le toro dans l’arène ne voit que le mouvement de la cape et non sa couleur rouge qui excite les humains. On ment.


Manet1:
Il ne s’agit pas de mensonge mais de cérémonie. Pour exprimer un sentiment, le décorum est nécessaire.

Manet2:
Oui. Ça l’arrange.

Manet1:
Non. En éthologie tout s’explique sans dévalorisation ni condamnation. Il ne faut pas dire "il ment" mais « il a besoin de décorum ». La religion orthodoxe peut nous servir d'exemple. C’est une religion qui parle au sentiment au travers de cérémonies interminables pendant lesquelles retentissent un grand nombre de chants a cappella. Les Français ont une relation à Dieu qui est rationnelle. Le pope est un chanteur autant qu’un prêtre. Il est sacré. L’humain qui va dans une arène ce n’est pas pour voir un acte de boucherie. Il va à une cérémonie. Personnellement je n’y vais pas car je n’aime pas.

 Manet2:
C’est de la violence.

Manet1:
Oui.



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Manet2:
Parlons alors de religion.

Manet1:
Mettons de côté la question sur l’existence ou non d’un dieu. Dans le passé, notre religion était conformiste. Malgré toutes les détestations entre les gens et à l’intérieur des familles, il y avait un grand nombre d’actions que tout le monde devait faire ensemble: écouter la messe, se lever, s’agenouiller, prier, chanter, se confesser, communier etc. .

Manet2:
Sans réfléchir.

Manet1:
Pas exactement même s’il s’agissait d’une religion sociologique fonctionnant sur le mode de l’obligation. Il fallait être bien habillé, ne pas parler, ne pas rire, bien se tenir. Mais c’était aussi un investissement très fort de la famille pour une action.

Manet2:
Pas pour eux mais pour les autres.

Manet1:
Dans la vie professionnelle, c’est la même chose. Il y a ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Il y a les célébrations amicales, des anniversaires ou des pots de départs. Le directeur organise un repas pour ses collaborateurs: pas question d'y échapper.

Manet2:
C’est la vie.

Manet1:
Il y avait des contournements. Des jeunes gardaient l’argent de la quête comme argent de poche. Et puis pour les jeunes c’étaient l’occasion où se manifestaient les premiers émois amoureux. On en profitait pour chercher son partenaire des yeux. Puis il y avait les communions solennelles avec banquets et cadeaux. Au travail, si l’on ne respecte pas certains conformismes, on est rejeté ou mis à l’écart. A RPSA, au début il était prévu que chacun apporte un plat pour un repas en commun. Mais tout le monde a demandé à aller au restaurant. C’était sans intérêt. Mais on ne pouvait pas ne pas y aller et une fois sur place on ne pouvait pas ne pas faire bonne figure. Et on ne peut pas dire que c’est bien.

Manet2:
Pourquoi toujours s’abaisser et se plier ?

Manet1:
Il y a des gens qui ont toujours su vivre à l’intérieur d’un groupe social. Si la famille est harmonieuse et ouverte, il lui est facile de faire une fête où il y a beaucoup d’invités. Ceux-là font une fête et avec un minimum de concessions, ils restent eux-mêmes et le groupe va dans le sens qu’ils souhaitent. D’autres ne savent pas y faire et ils doivent avaler des couleuvres. Enfin il y les oppositionnels. Ils viennent et perturbent ou ne viennent pas et contestent. Que dire ? il y a 7 milliards d’êtres humains : cela nous rend notre liberté, nous pouvons faire ce que nous voulons mais nous comprenons l’ampleur du problème. Nous sommes tous différents, tous libres mais à l’intérieur des 7 milliards d’humains.

Manet2:
Nous sommes tous différents. C’est important. Pourquoi ? est-ce un bien ou un mal ?

Manet1:
Retour au JE : il a besoin de ses ressources de vie éternelle chaque jour. Il les trouve ou ne les trouve pas. S’il ne les trouve pas, il a une solution ou non. S’il trouve ses ressources, elles sont en excès, en quantité suffisante ou en quantité insuffisante. S’il a plus, ce sera bon signe. S’il a moins, ce sera mauvais signe. C’est donc bien quand il y a suffisance ou excès, c’est mal quand il y a insuffisance. Cela dépend du JE et de l’environnement.

Manet2:
il y a des personnes qui ont du pouvoir sur les autres et d’autres, non.

Manet1:
Cela tient à l’organisation de la société. La force de l’humain, c’est qu’il est social. Et chaque JE cherche a bien se trouver dans ce contexte.


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Manet2:
La toilette occupe beaucoup de temps chez les primates. "La toilette est l’hôtel social primordiale de la cellule familiale".

Manet1:
Il faut rapprocher la toilette du primate et la maison et les vêtements de l’humain. C'est à cette condition que cela devient comparable. Si l’on veut dire que l’homme est animal, il faut donner une autre consistance à ce mot.

Au mot « hôtel », il faut substituer celui de "maison". Les singes s’abritent dans les arbres et ils construisent des nids élémentaires. Leur habitat c’est essentiellement leur corps. Il faut que ce corps soit solide et les protège bien. Au Japon, il y a des hivers rigoureux et les babouins vivent dehors. Nous estimons que les singes passent beaucoup de temps à s'épouiller , "à nettoyer leur habitat" mais n’oublions pas que les humains entre 20 et 60 ans travaillent au moins 8 heures par jour pour « gagner leur vie » à des activités où ils travaillent pour les autres et ne font pas ce qu’ils veulent. Huit heures, c’est le temps que passent les brebis à brouter l’herbe sur le sol. C’est aussi passionnant que de construire des voitures à la chaîne ou de mettre des saucisses en boite.

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Manet2:
S. Strum dépose son bagage culturel mais la nature est une culture. Est-ce qu’elle retourne à l’état primate ?


Manet1:
Jean Rouch a réalisé en 1972 le film « Petit à Petit » ( wikipedia ) où l’on voit un nigérien faire une enquête ethnologique à Paris alors qu’en général ce sont les blancs qui viennent analyser les sociétés archaïques africaines. La question qui se pose c'est "qui a droit d’être ethnologue", c’est-à-dire qui doit être l’enquêteur et qui celui qui est observé ? La position du film est de montrer que l’observateur peu devenir l’observé et vice versa. De la même manière Jared Diamond dans « de l’Inégalité parmi les Sociétés » ( wikipedia ) se pose la question quand il décrit la conquête de l’Empire Inca par Pizarro. "Pourquoi en 1543, ce ne sont pas les Incas qui envahissent Madrid ?"

Si l’on applique ce raisonnement au livre de S. Strum, il faut se demander pourquoi c’est S. Strum qui vient analyser les babouins et non l’inverse ? Si nous souhaitons poser la question nature / culture de manière égalitaire nous devons répondre à cette question. Aujourd’hui, c'est S. Strum qui analyse la vie des babouins. Quelle serait la situation symétrique? La semaine dernière, il y avait sur France5, une émission sur un orang-outan en Indonésie. Il vivait avec son harem à proximité du village des naturalistes qui l’observaient parfois amical et parfois ombrageux. Un jour, Julia Roberts - la célèbre actrice - est venue pour le rencontrer. Il s’est emparé d’elle et l’a culbuté. Des gens sont intervenus pour la libérer. Elle a eu très peur et le singe est parti avec son appareil photo. On était alors dans un rapport d’égalité. Ce n’était pas un singe apprivoisé mais en liberté et en contact volontaire avec des humains même s’il était probablement intéressé par les cadeaux qu’on lui faisait.

Quand on pense nature / culture d’un vivant, il faut le symétrique en face. Dans le livre sur les babouins, il y a des rapports harmonieux qui se crée entre S. Strum et les babouins. Mais à d’autres occasions, ils sont traités comme de simples bêtes par les agriculteurs à qui ils chipent du maïs. Nous avons un ancêtre commun avec eux. Chez nous il y a une enquêtrice et pas chez eux. Le schéma de base ce sont les JE dans leurs quêtes de ressources de vie éternelle et leurs intégrations dans un des nombreux cercles sociaux. Pourquoi avons-nous une attitude amicale vis-à-vis des babouins alors qu’eux n’ont qu’une attitude d’espèces.
( C’est un problème de cohabitation pacifique ou non).

Manet2:
Au départ ce n’est pas amical. Elle a voulu fuir la culture qui rend l’homme mauvais pour communiquer avec la nature où règne le bien. Elle a retrouvé son équilibre…


Manet1:
C’est une démarche erronée.

Manet2:
Au début elle voulait étudier et comprendre. Ce n’est pas par amour de l’animal. Elle est curieuse et il s’agit de son sujet d’études et pour mieux comprendre l’humain. Après elle dépose son bagage culturel mais la nature est une culture. C’est en 1974. Elle est jeune. Elle le découvre.


Manet1:
Il faut regarder dans quelles conditions matérielles cela se passe. Elle est doctorante en passe de devenir enseignante dans une université américaine. Elle fait partie d’une grande institution. Si Manet2 ou Manet1 décidaient d’aller faire la même étude dans la forêt africaine, ils prendraient quelques notes dont ils ne sauraient que faire et cela n’intéresserait personne. S. Strum a étudié dans une université américaine dès l'âge de 20 ans: elle a beaucoup d’outils et de moyens. Son université lui demande d’analyser les babouins. La manière dont elle sent son travail c’est son problème mais elle est soutenue par cette institution, puis par le système universitaire en général et enfin par les Etats-Unis. Elle est à un tel niveau de maîtrise de la nature qu’entrer en contact avec un singe est pour elle d’une grande facilité.

200 ans avant, à l’époque des découvreurs, un humain arrive sur une île et découvre un singe. Premier réflexe, le tuer et le manger. Deuxième réflexe, faire une courte description d’un animal qui l'étonne. Rappelons nous notre premier regard sur les singes d’un zoo. Ils remuent, ils crient et ils font des grimaces. Ils semblent n'avoir rien de commun avec les humains d'autant plus que nous avons une somme de connaissance élaborée par les 7 milliards d’humains. Notre vision est riche. Des chasseurs organisent des safaris en Afrique ou en Pologne à l’époque où Valéry Giscard d’Estaing venait chasser l’ours. Ils viennent en voitures après avoir pris l’avion et ils ont les armes les plus modernes du moment. Ils amènent toute la technologie et les 100 000 ou les millions d’ouvriers ou ingénieurs qui y contribuent. C’est toute l’humanité qui se présente devant quelques ours, éléphants ou tigres. Ou devant quelques primates....

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Manet2:
On dit que à chaque naissance correspond à une mort . Mais il ne peut donc y avoir de surpopulation ?

Manet1:
Voici les grandes lignes de l’évolution de la population humaine totale sur le Terre. ( wikipedia )

Année - Population mondiale (arrondie)
-100000 - 0,5 million
-10 000 - 5 millions
an 1 - 200 millions
1100 - 310 millions
1500 - 480 millions
1800 - 1 milliard
1930 - 2 milliards
1960 - 3 milliards
1975 - 4 milliards
1990 - 5 milliards
2000 - 6 milliards
2010 - 7 milliards
2030 - 8 milliards
2050 - 9 milliards

Comment cela est-il possible ? Nous allons raisonner sur des faits réels bien qu’exceptionnels. Ainsi ( wikipedia ) Moulay Ismail, un monarque du Maroc au XVIII° siècle aurait eu 700 garçons. De notre côté, il n’est pas rare que l’on nous rapporte l’histoire d’une mère de famille qui a donné naissance à 20 enfants. Cela tient au fait que la sexualité humaine ne connaît aucune interruption biologique entre la puberté des garçons (entre 12 ans et 18 ans ) et des filles ( entre 9 ans et 16 ans (wikipedia) et la ménopause des femmes ( vers 51 ans ) et l’andropause des hommes ( entre 40 et 55 ans ) . Faisons un calcul minimal. Si une femme est fertile de 16 ans à 51 ans cela donne par exemple un potentiel de 35 enfants pendant sa vie. L’homme fertile de 18 ans à 40 ans peut produire un enfant par jour soit 8030 enfants. Ce sont des chiffres qu’il faut connaître car l’éthologie humaine s’organise à partir de ces réalités-là.
Intéressons-nous d’abord au taux de fécondité. Si tous les humains forment une famille et que cette famille donne naissance à 2 enfants en 25 ans, la population au bout de 25 ans reste inchangée puisque deux parents sont remplacés par deux enfants. S’il y a 3 enfants, la population au bout de 25 ans augmente de 50% : les deux parents sont remplacés par trois enfants. 25 ans plus tard, si le taux de 3 enfants persiste, cela 3/2 – pour faire une famille - multiplié par 3, on passe à 4,5 enfants. Puis 4,5/2 x3 = 6,75.

Soit

An 0 - x2
An 25 - x3
An 50 - x4,5
An 75 - x6,75
An 100 - x10,125

Supposons qu’en l’an 1800, il y avait 1 milliard d’habitants, en l’an 1900, il y aurait 1 milliard multiplié par (10,125/2) soit 5,075 milliards de personnes. Ouf ! nous n’avons atteint les 5 milliards qu’en 1990. C’est un calcul théorique pour un pays donné mais sur l’ensemble de la population mondiale il n’est pas si erroné.
Bien sûr tous les humains ne forment pas une famille mais toutes les familles n’ont pas trois enfants. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le taux de fécondité par pays ( CIA ). En 2009, le plus élevé était au Niger, 7,75 et le plus bas à Macau, 0,91.

Niger
An 0 - x7,75
An 25 - x30
An 50 - x116
An 75 - x449
An 100 - x1740

Faisons un calcul théorique. Si en 2010, au Niger, il y a 13 millions d’habitants, en 2110, il pourrait y avoir théoriquement 13 millions par ( 1740/7,75) soit 3 milliards d’habitants.

En fait, le taux de fécondité est atténué par tout l’environnement du pays et il faut alors s’intéresser au taux d’accroissement de la population ( INDEX MUNDI ) où nous voyons que celui du Niger est de 3,68

Si en 2010, il y a 13 millions d’habitants. En 2011, il y aura 13 x (1,0368 puissance 1) 13,5 millions et en 2111, il pourrait avoir 13 x (1,0368 puissance 99 soit 37,8 ) donc 491 millions d’habitants. Ce qui reste, néanmoins, excessif.

Première conclusion. Selon qu’une famille a 1, 2 ou 3 enfants et que ce taux soit valable pour tout un état et qu’il soit constant pendant cent ans, les résultats sont impressionnant. Avec 1 enfant, l’état disparaît, avec deux, son nombre ne change pas et à trois c’est l’explosion.

Deuxième conclusion. Dans le passé, il y a beaucoup de maladies, beaucoup de morts en bas âge, beaucoup de guerres et d’accidents de toutes sortes. Le taux d’accroissement de la population est adapté à cette situation et il est important. Aujourd’hui l’environnement est plus favorable. Certains états ont vu leur taux de natalité diminuer de manière conséquente. C’est le cas des pays fortement industrialisés mais d’autres n’y parviennent pas encore. L’accroissement de la population est lié à l’importance des ressources de vie accessibles. D’où l’explosion de la population.

Troisième conclusion. On a vu plus haut l’importance du potentiel reproductif des humains. Il est toujours sous-jacent et réapparaît dès que de grands changements d’environnement se font jour.

Quatrième conclusion. Avant l’agriculture, les humains étaient « chasseurs cueilleurs ». C’est un mot à utiliser avec précaution car il recouvre un grand nombre de modes de vies. En général, ils se déplaçaient beaucoup plus que les agriculteurs. Cela les empêchait probablement d’avoir beaucoup d’enfants sauf s’il existait un type de sédentarisation adapté à leur situation que l’on ne peut pas exclure, théoriquement. Il suffit de regarder comment vivaient des Indiens d’Amérique non agriculteurs au XVIII° s. et semi sédentaires car quel que soit l’endroit où ils s’installaient, les ressources finissaient par s’épuiser : tous les animaux faciles à capturer disparaissaient, les autres fuyaient et il fallait faire de plus en plus de chemin pour trouver des plantes et des céréales.
Dans le modèle de base du chasseur cueilleur, la mère ne peut porter qu’un enfant dans ses déplacements, l’autre enfant doit supporter les marches des adultes et le troisième doit déjà aider les adultes et être quasiment autonome. On voit que l’optimum d’une famille doit tourner autour de 2 à 3 enfants. L’homme chasse et cherche les lieux de vie.

Cinquième conclusion. Il y a 10 000 ans est apparue la révolution agricole qui a amené les humains à se sédentariser. Et là il y a moins de limites aux naissances. Mais d’autres problèmes apparaissent avec la spécialisation cultivateurs et pasteurs qui va entraîner des guerres incessantes sur les limite des territoires. L’agriculteur a besoin de zones bien délimitées et le pasteur a besoin de zones sans limites.

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Manet2:
« J’étais intellectuelle et peu sentimentale et je suis devenue naïve et romantique », écrit S. Strum. « Pourquoi sommes-nous ce que nous sommes ?" Parce que les humains sont des accidents.


Manet1:
C’est mal dit.

Manet2:
« Si nous survivons, c’est grâce à notre comportement »


Manet1:
Tout est accident. L’univers : pourquoi est-il apparu là, pourquoi y a-t-il la Terre, pourquoi y a-t-il une astéroïde qui est tombé sur la Terre il y a 69 millions d’années entraînant la disparition des dinosaures et l’émergence des mammifères. Mais ces accidents sont à l’origine du développement de tous les vivants. Notre père et notre mère étaient-ils vraiment destinés à se rencontrer ? En général, c’est un accident. Dans le mariage, une fois unis, chacun dit « c’était parce que c’était lui et c’était parce que c’était moi », « nous étions fait l’un pour l’autre », « c’est à la vie et à la mort ». Et quand on regarde de plus près, dans les sociétés sédentaires, l'homme se marie avec la fille du village et dans les sociétés non sédentaires, un chinois se marie avec une new-yorkaise parce qu’ils se sont rencontrés en Egypte. Il s’agit du même accident.

Manet2:
L’ordre biologique animal c’est le normal et l’humain c’est l’accident ?


Manet1:
Nous sommes le même accident que l'orang-outang. Il ne faut pas chercher à être différent des autres vivants.

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Manet2:
95% des espèces animales ont disparu. C’est l’évolution.

Manet1:
Et nous faisons partie de ceux qui ont survécu. Si les autres avaient survécus, notre sort eut été différent.

Manet2:
« Si nous survivons c’est grâce à notre comportement » puisqu’on fait tout pour cela !

Manet1:
Revenons à Darwin. Tous les jours, « nous luttons pour la vie » dans notre entière totalité et pas seulement dans ce que nous faisons dans la journée. Tout notre vie est en jeu à chaque instant.

Manet2:Nous ne sommes pas seuls !

Manet1 : Non seulement pour la partie raisonnable – prendre la voiture, aller au travail. Il pourrait y avoir un astéroïde qui tombe aujourd’hui et qui efface tous les vivants. Ce n’est donc pas seulement notre comportement car il y a bien plus d’éléments qui ne sont pas de notre ressort qui interviennent.

On reprend la description du papillon blanc des bouleaux dont parle Darwin. A l’origine, le papillon blanc vit sur des bouleaux blancs. Il est donc protégé de la vue de son prédateur. Puis l’industrialisation de la région salit de plus en plus le bouleau qui vire au gris. Dans son ADN, le papillon a d’autres nuances que le blanc dont le gris. Lorsque naît un papillon blanc, il est facilement décelé, pas le gris. Peu à peu, les blancs sont moins nombreux et les gris finissent par l’emporter. A la fin de cette séquence, il y a surtout des papillons gris sur des bouleaux gris. Arrive la crise économique et la fin des usines dans cette région. Les bouleaux redeviennent propres et le papillon gris se remarque. Le phénomène inverse se produit et à la fin de cette séquence, nous retrouvons la papillon blanc sur un bouleau blanc. Nous sommes dans le même schéma. Nous sommes adaptés à un certain ordre des choses global. Les circonstances changent et quoique nous fassions, c’est bon ou mauvais pour nous. Et cela n’a rien à voir avec notre comportement.

Manet2:
Mais on peut se brûler les ailes de temps en temps ?


Manet1:
Oui on peut faire une bêtise. Mais de la manière dont avance notre réflexion, il faut dire que même là, nous n’y sommes pour rien. On y reviendra encore souvent.

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Manet2:
« Les fossiles ne peuvent rien nous apprendre sur certains comportements essentiels : l’amour maternel, l’accouplement."

Manet1 : C’est probable. Il y a peu de fossiles, ils sont dispersés, et en morceaux, on ne sait pas pourquoi ils se trouvent là et pas ailleurs. Le comportement est lié à la chair et à la vie. On va lancer une petite pique contre les historiens. Ils partent en général de réalités documentées mais toujours limitées. Alors ils se sentent obligés de faire des discours généraux et de grandes synthèses qui ne sont fondées sur rien d’autres que l’autorité qu’ils ont acquis grâce à leur érudition. Leurs discours généraux sont sans fondement : c’est de l’invention. D’où un grand nombre de théoriciens qui ne sont pas d’accord entre eux. C’est comme lorsque l’on assiste à une conférence d’une sommité : s’il dit une bêtise, on ne peut que se taire.

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Manet2:
Le chimpanzé a un comportement proche de l’humain grâce à son ADN.

Manet1:
L’ADN n’a rien à voir avec le comportement. Les péripéties du papillon et du bouleau sont un effet de l’ADN. Dans son ADN chaque papillon à des gènes blancs et des gènes gris. Si seuls les uns ou les autres se reproduisent, c’est peu à peu leur teinte qui l’emporte même s’il garde la possibilité de donner naissance à l’autre couleur. C’est la reproduction qui transmet la couleur donc la fusion des haploïdes. Si un papillon ne peut se reproduire, il ne transmet pas ses gènes donc sa couleur. L’ADN c’est le programme du corps mais c’est notre cerveau qui produit notre comportement. Et comme nous naissons au milieu d'un groupe préexistant, ce groupe nous transmet ses règles explicites et implicites, celles-ci étant bien plus importantes que les autres.

S’il a des comportements proches de nous c’est aussi parce que c’est notre plus proche parent car notre ancêtre commun le plus tardif ( le chimpanzé) date d’il y a 7 millions d’années. Comme on le voit dans la conférence de « l’Arbre, mon frère », c’est cet ancêtre qui nous a apporté ce bel instrument qu’est notre main, qui a inauguré le début de notre langage et le début de notre sociabilité liée à la main. Car nous les humains, nous sommes le résultat de nos mains et de notre sociabilité. Il est dans le même schéma. Mais il est resté dans l’arbre et n'a pas développé la technologie de la main comme nous, il n’est pas allé jusqu’à l’outil actuel.

Manet2:
Le comportement des humains n’est que la suite du comportement des babouins.

Manet1:
Non, ce n’est pas la suite. Darwin ne dit pas que l’homme descend du singe. Ce sont les gens qui ne l’ont pas compris qui disent cela. Darwin dit que l’homme et le singe ont un ancêtre commun qui a d’ailleurs disparu. Les babouins et nous nous avons le même âge évolutif. Nous sommes eux et nous en 2010 ou en 3 milliards d'années depuis l'apparition de la vie.

Manet2:
Il y a un mâle dominant et plusieurs femelles.

Manet1:
Ce n’est pas vrai chez tous les singes.

Manet2:
Oui, il y a les singes d’Afrique et les singes d’Amérique. Certains vivent en groupe. Quand ils vivent à 50 km les uns des autres, des différences apparaissent entre eux.
A la page 113, on parle des mâles et des femelles. Ils sont de nature opposée.


Manet1:
Pas d’accord, nous ne sommes pas de nature opposée.

Manet2:
Le mâle est changeant, il aime le risque et s’entoure de mystère.


Manet1:
C’est la vision de S. Strum. Ce n’est pas une vision éthologique. Elle y vient avec ses tripes. Chacun fait comme elle. Quand on rencontre un animal, on réagit avec sa sensibilité. Mais c’est la partie subjectif du travail.

Manet2:
La femelle est constante, conservatrice et elle se dévoile.

Manet1 : C’est sans intérêt.

Manet2:
Comme chez les humains, il y a les classes et les rangs.

Manet1:
Il ne faut pas tout mélanger. Voici donc la femelle et le mâle. Le problème est plus complexe que cette opposition. Ce sont les rapports sexués. Puis il y a l’organisation. Les deux ne sont pas mêlés. Les rangs concernent les chefs.

Manet2:
Je m’y retrouve.


Manet1:
Ce n’est pas un critère de scientificité. On ne peut pas marcher et se regarder marcher. Nous sommes fait d’une pièce.

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Manet2:
« L’homosexualité est un stade naturel du développement de la sexualité humaine ».

Manet1:
Le texte dit que pour S. Strum cette affirmation est une erreur. L’auteur a confondu un comportement imitant un acte sexuel entre deux mâles avec un acte sexuel réel. Chez certains singes, quand un protagoniste se met sous l’autorité d’un autre et reconnaît son rang, il lui tend ses fesses et l’autre simule quelques va et vient. C’est un code social qui n’a aucun lien avec la sexualité. C’est comme le baiser chez les humains. Normalement il fait partie de l’univers sexuel mais en société c’est une convention sans connotation reproductive.Dans notre expérience de visiteur de prison, nous savons qu’étant donné l’absence de vie sexuelle en prison, certains jouent le rôle de substitut des femmes.

Manet2:
« La sexualité est très animale, la sexualité est vitale ».


Manet1:
Animale dans son sens péjoratif c'est-à-dire bestiale ? Il y a du viol, des cris et de la souffrance ? Ou bien, il y a une impulsion et on perd la raison. La sexualité est sexuelle et humaine chez les humains, elle est animale chez tous les animaux et elle est « céréale » chez toutes les céréales. Quand on observe la vie sexuelle des animaux, on y découvre une grande richesse et une grande diversité de comportements.

Manet2:
La sexualité ne sert pas seulement à la procréation.


Manet1:
C’est un autre aspect du sujet et c’est très important. C’est ce qui a amené à fusionner la quête des ressources de vie (installation dans la vie terrestre) et la quête des ressources de vie éternelles ( la reproduction) en un seul terme la quête des ressources de vie éternelle ( installation et reproduction). Il est très difficile de séparer vraiment ces deux types de quête. Nous en avons déjà parlé plus haut. Quand un babouin se soumet à un autre, l’autre fait un court simulacre d’acte sexuel où il joue le rôle du mâle et le soumis, le rôle de la femme. Donc la modalité sexuelle est devenue une modalité sociale. Chez les humains, le baiser joue un rôle analogue, y compris sur la joue. Il est d’ordre sexuel et il est devenu d’ordre social.

Nous sommes dans la réflexion éthologique. Mais il n’y a pas que le baiser qui passe de l’ordre sexuel à l’ordre social. Nous savons tous que dans certains métiers, la femme qui souhaite faire carrière a intérêt à avoir une relation sexuelle avec le responsable. Or nous savons bien que ni l’un ni l’autre, sauf cas rares, ne souhaitent avoir un enfant. Pour l’éthologie, l’acte sexuel est finalisé : il a pour but la reproduction de l’espèce. Comment intégrer ce comportement dans le discours éthologique ? La pulsion sexuelle est puissante et elle apporte « une jouissance ». Les humains ont inventé le couple monogamique éternel. Certaines sociétés ne souhaitent pas avoir 20 enfants par famille.

Nous connaissons au moins deux solutions extrêmes pour y parvenir : interrompre tout acte sexuel le jour où l’on a atteint le nombre d’enfants souhaités ou bien empêcher la conception soit par des moyens contraceptifs soit par l’avortement. Or nous avons noté plus haut que les hommes sont programmés pour avoir plus de 8000 actes sexuels pendant leur temps de fertilité : ces 8000 actes sont « naturels » ou « normaux » du point de vue éthologique. Et il se trouve que contrairement à certains animaux, l’équilibre à trouver entre le nombre d’enfants souhaités et le nombre d’actes sexuels potentiels n’est pas géré biologiquement – la saison des amours chez les oiseaux ou la floraison des plantes - mais par chaque humain personnellement.

Manet2:
Nous ne sommes pas une machine et nous avons des sentiments.

Manet1:
Dans le passé, on ne maîtrisait pas la contraception comme aujourd’hui. Il fallait trouver des solutions aux besoins de 8000 actes sexuels et aux nombres d’enfants que cela auraient pu entraîner. Il y a eu mises en places de solutions officielles tel que, entre autres, le mariage monogamique éternel et son cortège de règles et de contraintes sociales et des solutions officieuses en rupture avec les autres et qui sont touchées par des interdits des plus légers au plus lourds dont l’exemple de « promotion canapé » cité plus haut.
L’humain comme tous les vivants est capable de faire naître beaucoup plus de descendants qu’il n'est nécessaire. Les explications en sont connus : concurrences, guerres, conquêtes, maladies, mortalités infantiles, accidents de toutes sortes, pénuries de toutes sortes, etc.. On pourrait citer ici la vie sexuelle de l’émeu. Dans cette espèce, c’est le père qui s’occupe de l’enfant. La femelle vit toute l’année en solitaire et elle est plus grande que le mâle. Un mois par an elle se met en quête d’un mâle. Elle pond un ou deux œufs et s’en va. Le père couve les œufs et s’occupe de la progéniture pendant 6 à 9 mois puis ils sont livrés à eux mêmes. Telle est l’éthologie de la reproduction chez l’émeu. Nous pouvons la comparer à celle de l’humain puisque les principes de départ sont les mêmes. Chaque année, il y a un acte sexuel et un ou deux descendants.
Faut-il tenter une explication sur ces 8000 actes potentiels ?

Quand on compare les primates aux félins tels que les tigres ou les lions et aux herbivores au sens général comme les buffles ou les éléphants, on constate qu’ils sont probablement les mammifères les plus faibles. Leur territoire est l’arbre, un environnement bien moins stable et possédant moins de ressources que le sol. La solution de survie a donc été d’ouvrir au maximum les possibilités de reproduction tout en tenant compte de l’état de mammifères. Il ne pouvait pas pondre des œufs par milliers comme certains insectes ou poissons, ni envoyer leurs haploïdes mâles dans le vent comme les plantes. C’est une hypothèse qui demande à être approfondie mais elle donne le sens dans lequel doivent aller les recherches. L’homme est un singe qui est descendu de l’arbre et qui a spécialisé ses mains. Et c’est avec ses mains qu’il est devenu le mammifère dominant de nos jours. Du plus faible, il est devenu le plus fort.
(A noter que ses mains lui ont joué un mauvais tour. Elles sont a l’origine de l’augmentation de la dimension de son cerveau de 500 g il y a 3 millions d’années à 1000 / 1400 g à présent. Or ce cerveau passe difficilement à travers le bassin de la femme au moment de la naissance ajoutant une cause supplémentaire de mortalité mais entraînant un acte de sociabilité supplémentaire : contrairement à la plupart des autres animaux, l’accouchement donne quasiment toujours lieu à entraide. Il y a une hypothèse qui affirme que c’est l’importance du cerveau qui est la cause de la disparition de l’humain de Neandertal).
En conclusion, moralement et comportementalement nous n’y sommes pour rien sur cette capacité à produire ces 8000 actes de reproduction. C’est le hasard évolutif au sens darwinien du terme. Il en va de même pour la solution mise ne place, ce mariage monogamique éternel.

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Manet2:
Mon passage sur Terre me renforce dans mes positions. Par exemple un prêtre a pris des engagements d’abstinence sexuelle. Il faut qu’il vive !

Manet1:
Dans certains pays, le prêtre occupe un statut élevé et il lui est possible de vivre une sexualité officieuse sans problème : il a une ou plusieurs amies ou il fréquente des prostituées. Dans d’autres pays ou en d’autres circonstances, ils ne sont pas reconnus et ils sont pauvres. Plus généralement si les règles sociales étaient irréalisables, elles tomberaient d’elles même : il est probable que la majorité des humains vivent en harmonie avec elles. D’une certaine manière, l’éthologie explique pourquoi tous les humains ne s’y retrouvent pas et pourquoi ils sont amenés à vivre dans la partie officieuse celle qui transgresse les interdits. Les prêtres qui ne sont pas en harmonie avec les règles de leur église et qui ne parviennent pas à vivre une sexualité officieuse sans problème entrent donc dans le domaine des interdits, les mêmes que les non-prêtres, d’ailleurs. C’est la cas de la pédophilie.

Nous avons précédemment défini les grandes étapes de la vie d’un humain depuis la rencontre de deux haploïdes jusqu’à sa mort : la conception, le jeu, la cristallisation, l’élevage des enfants et la vieillesse. Il faut rattacher la pédophilie à la phase de cristallisation. Le cerveau depuis la 8° semaine de la conception à l’âge de 7 ans produit 2 millions de connexions de synapses à la minute. Le cerveau enregistre tout ce qui se passe à chaque instant et cela va devenir l’organe de pilotage de toute la vie.

La cristallisation va donc se faire en fonction de ce qui a été inscrit dans le cerveau à ce moment là. Ce sera vrai au niveau de ce qui est officiel : tout ce que l’enfant voit, entend, sent, goûte et touche à chaque instant. Ce sera vrai aussi pour tout ce qui sera officieux : ce que l’on cache ou que l’on se cache consciemment ou non, les contradictions, les états d’âme, etc… On le dit souvent : l’enfant enregistre tout. Il y a les parents qui s’aiment en façade, les relations mensongères, les pulsions. Il y a aussi tous les comportements déréglés des plus petits aux plus monstrueux.

Nous allons être un peu schématique. Lorsque cette personne arrive au moment de la cristallisation, cela peut mal se passer et au lieu de cristalliser sur la personne de l’autre sexe de son âge, elle peut le faire sur une personne du sexe opposé en dessous de son âge ou au-dessus de son âge. Il peut également cristalliser sur une personne de même sexe. On peut enfin le faire sur des enfants. Ce n’est pas le lieu ici de passer en revue le très grand nombre de cas qui peuvent se présenter. Le résultat est simple : le besoin de ressources de vie éternelle se porte sur une personne non adéquate et on tombe sur des interdits très puissants de l’espèce humaine. Il a pu exister une époque où les interdits étaient tellement puissants – la confession, l’omniprésence de l’église et la mobilisation sociale - qu’ils parvenaient à juguler certaines conduites non autorisées mais de toute manière comme il était également interdit d’en parler, les occasions en étaient moins fréquentes et on pensait que c’était rare. Combien de romans parlent des états d’âmes d’humains qui luttent contre leurs mauvaises pulsions.

Notre société a diminué certains interdits, l’avortement et la contraception permette aux humains beaucoup plus d’actes sexuels « sans risque ». L’homosexualité est légale. Les contrôles sociaux internes et externes ont disparus. Au-delà de 18 ans tout est permis. Les interdits ne sont plus intériorisés car ils ne sont portés que par la loi.

Manet2:
La prison ne règle pas le problème de la pédophilie.

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