jeudi 29 avril 2010

12° entretien

Douzième entretien
Manet2 et Manet1
29 avril 2010
(Tlemcen - décembre 2005)



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Manet1 :
Tu as reçu ces jours-ci deux mails qui évoquent le deuil chez les chimpanzés. Il y a deux vidéos ( BBC ) . Dans la première des chimpanzés tournent autour d’une femelle qui vient de mourir. Dans la deuxième, il y a un petit et une adulte qui manipule le corps momifié d’un bébé, donc mort depuis longtemps. Il s’agit d’une communication de l’université de Stirling en Écosse. Par la suite un article traitant du même sujet est paru dans la Voix du Nord. Et deux personnes se sont exclamées : « que vient faire la religion ici ? ». Le rédacteur français s’était senti obligé d’ajouter une remarque personnelle d'ordre religieux mais que seuls les lecteurs de l’original peuvent lui attribuer. Les lecteurs français partiront du principe que la réflexion sur la religion faisait partie des travaux de recherches des savants écossais.

Manet2:
C’est une comparaison !

Manet1 :
Non. Ce journaliste a besoin de biaiser le message des savants. Ceux-ci disent que les chimpanzés ressentent du deuil. Censure ! Un chimpanzé, ça ne pense pas, il est inférieur à un homme. Donc si l’on ne peut s’opposer à l’existence du deuil chez ce primate, on va le dévaluer en disant que cela n’est rien à côté du deuil humain qui a un fondement religieux. Allons prouver maintenant qu’il y a un dieu singe et qu’il est égal au dieu des humains ! Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes.

Manet2:
Je ne l’ai pas pris comme cela mais je respecte ton avis.

Manet1 :
Tu n'a pas vu cette intention parce que tu es croyante.


Manet2:
Si je suis croyante c'est parce qu’il y a quelque chose que je ne peux pas expliquer.

Manet1 :
L’objectif de ces entretiens n’est pas de se convertir mutuellement. Mais voir cette remarque dans un article français, c’est désagréable. Darwin était croyant. Il a été élevé dans une école anglicane. Sa femme l'était profondément et cela créait des désaccords entre eux. Un film anglais - Création - sur sa vie qui est sorti cette année et l’on voit sa femme s’essuyer beaucoup de larmes ( wikipedia english ) .

Manet2 :
Croyant /non croyant, cela n’a aucune importance.

Manet1 :
Pour moi c’est l’inverse mais nous sommes 7 milliards et ces deux positions sont également honorables.


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Manet2:
J’ai terminé le livre de Shirley Strum ( wikipedia ). Elle écrit que les babouins manifestent un grand respect réciproque mais dès que la maladie ou la vieillesse apparaissent, ces malades ou ces vieux sont abandonnés. Cela concerne également les anormaux et les infirmes. On retrouve cela chez humains.

Manet1 :
On a tellement de possibilités de venir en aide au point d' en arriver à l’acharnement thérapeutique. Par exemple, Ariel Sharon n’est toujours pas mort. Nous avons parlé dans un précédent entretien du vieil indien qui quitte son village pour aller mourir seul dans la forêt ou du vieil esquimau qui se laisse glisser du traineau en marche dans la neige sans avertir personne.



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:Manet2 :
« Pourquoi les babouins sélectionnent-ils leurs partenaires ? Seule l’étude réalisée par des humains permet de le comprendre ? ». Les femelles sélectionnent les mâles et vice versa.

Manet1 :
 Il nous semble que S. Strum va observer les babouins et qu'il n’y a pas de réciprocité : aucun babouin ne vient observer les humains. C'est inexact. Il est vrai qu'elle a fait le voyage des États Unis jusqu'en Afrique. Mais quand on lit le livre, on voit que les babouins l'observent et l'obligent à adapter son comportement à leur égard avant d'accepter qu'elle se rapproche de plus en plus de leurs groupes. Nous en déduisons hâtivement qu’il y a de la sélection chez les babouins mais qu'ils ne le savent pas. As-tu l’impression que, dans ta vie, tu as sélectionné des gens ?

Manet2 :
Oui.

Manet1 :
Penses-tu que le mariage avec ton mari a été le résultat d’une sélection ?

Manet2 :
Non, pas du tout.

Manet1 :
Voilà la réponse.


Manet2:
Sélectionner cela signifie éviter des gens et chercher à en fréquenter d’autres.

Manet1 : La sélection concerne le JE à la recherche de ressources de vie éternelle. Chez les humains il y a une institution : le mariage monogamique éternel. Cette institution n’est pas aussi générale qu’on le pense puisqu’il est question ces jours-ci d’un jeune algérien marié à une femme qui porte la burqa et qui a trois maîtresses, manière ironique d’afficher qu’il est polygame. Tu es entrée dans ce processus : il y a eu la cristallisation, le mariage monogamique éternel, la conception des enfants et leurs élevages. Pour toi ce n’est pas une sélection et elle ne concerne que des relations d’amitiés. La sélection fondamentale est celle de la reproduction. Avec les amis, il n’y a pas d’enfants et il n’y aura pas d’éternité. On crée des alliés et des échanges.

Manet2 :
Mais il faut s’aider et avancer !

Manet1 : C’est en faisant des enfants qu’on avance. Supposons qu’entre 2000 et 2100, il n’y ait que de l’amitié et aucune reproduction, au bout de 100 ans, il n’y aurait plus d’humains. L’essentiel, c’est la reproduction et l’amitié est secondaire.

Manet2 :
Sans un chercheur ou un médecin, nous n’avançons pas non plus ! C’est important.

Manet1 :
 Nous parlions de la sélection chez les babouins. Il semble donc que nous parlions de la sélection des amis et non de la sélection du mâle et de la femelle en vue de la reproduction. C’est donc identique pour nous. Il faut une personne extérieure pour dire que la rencontre entre un mâle et une femelle est le résultat d’une sélection.



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Manet2 :
Et le sentiment, où le met-on ?

Manet1 :
Excellente question : c’est tout le problème entre l’éthologie, qui est une science qui concerne tous les vivants dont elle note tous les éléments qui sont identiques. Quand on parle de la reproduction, on parle de ce qui est commun dans la reproduction des plantes et des animaux. Nous allons d’abord nous intéresser à ce qui est commun.

Ce qui est commun entre un animal et une plante, c’est qu’à l’origine des deux il y a la rencontre d’un haploïde femelle avec un seul fil ADN et d’un haploïde mâle avec un seul fil ADN. Dès qu’ils se rencontrent, ils forment une seule cellule normale – diploïde donc avec deux fils ADN qui sera à l’origine d’un côté d’un bébé arbre et de l’autre d’un bébé animal.

Le sentiment, c’est « l’enrobage » humain de la reproduction. Le terme utilisée en éthologie terrestre est « cristallisation ». A un moment donné, il y a deux êtres humains à côté l’un de l’autre qui se manifestent de l’indifférence. et, 10 ans plus tard, l'un dit « c’est ma femme » et l'autre, « c’est mon mari ».

Le sentiment est un lien qui vient contrebattre le fait que la règle générale d’un JE c’est qu’il a besoin de ses ressources de vie éternelle de vie face à son partenaire ou à un étranger. A un moment donné, il peut y avoir une situation où il n’y a qu’une ressource pour un seul qui entrainera la mort des deux si elle est partagée. Nous pourrons avoir deux situations extrêmes. Si ce sont deux inconnus, l’un des deux sera vaincu mais si c’est un couple, les deux mourrons plutôt qu’il n’y ait un vaincu et un vainqueur. Le sentiment est un élément qui modifie le jeu des JE.

Il y a le sentiment issu de la cristallisation, le sentiment lié à la famille monogamique éternelle et qui relie parents et enfants, et, enfin, le sentiment vis-à-vis des petits-enfants et des grands-parents, de la parenté élargie et des amis. Au-delà d’une limite, apparaît l’indifférence. Quand on passe parfois devant une église où se déroule une cérémonie funéraire, cela nous laisse indifférent alors que dès qu’il s’agit d’un proche, nous sommes touchés de manière plus ou moins forte selon la proximité de cette personne avec nous.

Nous avons tendance à penser que le sentiment n’existe que chez les humains. Le reportage cité plus haut nous parle du sentiment de deuil chez les chimpanzés. Une mère chatte à qui on retire ses petits au bout de quelques mois, les cherchent désespérément.

Les penseurs matérialistes du XIX° siècle avaient tendance à ne donner aucune place au sentiment. En fait le sentiment est un élément fondamental de l’éthologie humaine. Le sentiment intervient comme un modérateur dans la lutte pour des ressources de vie éternelle non seulement dans le couple mais aussi entre un parent et un enfant. On a là aussi deux cas de figure extrêmes: deux parents concourant pour une seule ressource peuvent se comporter soit comme deux étrangers parfaits et alors l'un des deux sera éliminé ou comme deux parents et là il y a risque que les deux disparaissent. Le sentiment est le liant fondamental du mariage monogamique éternel et de la famille dont il est l'origine car il survit à la mort de l'un des protagonistes et se maintien tant que reste en vie un humain qui a vécu dans ce système de relations: parents, enfants, petits-enfants rarement au-delà.



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Manet2:
Les chercheurs se contredisent. La science sert à découvrir ou à avoir du pouvoir?

Manet1 :
Revenons à la base: le JE et sa quête de ressources de vie éternelle. La science augmente ces ressources, c'est son rôle. Elle dépend du nombre d'humains vivants. Prenons ce piano électronique: il y a probablement plus d'un million de contributeurs directs et indirects depuis que les humains modèlent la matière et depuis la découverte de l'électricité. S'il n'y avait que 100 humains, ils en seraient encore à un arc tendu sur lequel on fait glisser la corde d'un autre arc tendu avec un accompagnement de bâtons heurtant un tronc d'arbre creux. Ils n'auraient jamais inventé le piano électronique.

Dans l'absolu, les humains ne s'améliorent pas: ils sont dans une éternelle répétition et ils s'adaptent en permanence. A un moment donné, en 1800, ils sont 1 milliard avec une certaine densité. Ils s'y adaptent. De grands espaces séparaient encore certains états. Ce qui était au-delà des frontières des uns n'appartenaient à personne dans leur esprit et il y avait des razzias honorables pour apporter des ressources chez soi. Maintenant que nous sommes 7 milliards, tous les états sont quasiment en contact les uns avec les autres.

Quand les humains sont passés de 6 à 7 milliards, ils ont du tout revoir. Y a t il assez d'alimentation, de refuges, de champs, de bateaux? Et si au lieu de passer à 7 ils étaient passé à 20 milliards, la difficulté aurait été plus importante. Les humains provoquent leur propre problème: ils font naître des enfants. Dès qu'ils paraissent, ils leur faut des ressources de vie éternelle. Mais il n'est pas possible de ne pas faire naître des enfants. La reproduction dépasse les humains même si un humain particulier peut choisir l'abstinence.

De son côté, l'environnement change. Les plantes et les animaux augmentent ou diminuent, la chaleur évolue, il y a des tempêtes, etc. Tous les jours des problèmes se présentent mais on ne peut dire que l'on va d'un moins vers un plus ou d'un plus vers un moins, voire même d'un point vers un autre.

Manet2:
Les problèmes font avancer les choses!

Manet1 :
Tout se présente sous forme de problèmes. Un bébé nait, voilà un problème pour le couple chez qui il est apparu. Et puis il y a toutes les étapes suivantes de sa vie d'enfant. Or nous en sommes au 108 milliardième humain! Tout le monde ne fait-il pas la même chose?

Manet2:
Nos enfants découvrent et ont l'impression que nous ne sommes au courant de rien.

Manet1 :
Oui mais quoique les parents sachent, c'est à eux de découvrir.

En conclusion, sur le rôle de la science. Il y a éternelle répétition et évolution à la suite des changements externes et des changements d'adaptation. Le science fait partie de l'adaptation. Elle est liée au nombre d'humains sur Terre. C'est, collectivement, du pouvoir pour tous les humains. Chaque JE ayant besoin de ressources éternelles de vie, s'il est travailleur scientifique, ce sera une ressource pour lui et une absence de ressource s'il n'est pas travailleur scientifique. Mais les ressources de vie éternelle sont innombrables.



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Manet2:
« L'agression est un moyen de communication important en cas de rivalité et de conflit». C'est vrai pour l'animal et pour l'humain. Le langage diminue l'agressivité physique.

Manet1 :
On a souvent tendance à attribuer l'agression aux animaux ou à « l'animalité qui est en nous».

Manet2:
L'agression c'est le langage des animaux.

Manet1 :
Combien de films décrivent l'agression chez les humains? A l'école primaire, les enfants se battent souvent. Raisonnons en terme de niveau. Le niveau 0 cela pourrait être « je refuse de te parler » ce qui signifie « tu es exclu et je ne veux pas te connaître ». Le niveau 1 serait une parole désagréable sous forme d'insulte ou de menace. Le niveau 2 ce serait des cris de colère jusqu'à ce que l'un des deux protagonistes cèdent. Et le dernier niveau c'est la bagarre. Les enfants font appel aux quatre niveaux.

Manet2:
Parfois, sans haine.

Manet1 :
Comme chez les babouins.

Manet2:
C'est bien un moyen de communication.

Manet1 :
Nous sommes dans la justification: il y a de l'agression mais c'est de la communication, donc c'est une agression positive.

Traitons d'abord de l'agression.
Dans une cours d'école, les enfants se bousculent ou se battent. Cela dépend du milieu social. Un enfant d'une famille « bien élevée » évite d'en arriver aux coups: chacun restera à sa place grâce à un système sophistiqué de signes visibles. Chez les adultes, l'agression est atténuée car les humains sont des êtres sociaux qui font appel à des exutoires: le jeu tel que le football ou le rugby. C'est sans haine mais bien passionné. Chez les animaux, la situation est analogue: on n'y voit pas plus d'agression. Nous voyons plus d'agression car nous mélangeons les espèces. Un crocodile avale un gnou ou un tigre dévore une gazelle. Il faut rester à l'intérieur de l'espèce. Les babouins entre eux ne manifestent pas plus d'agressivité que nous, comme les crocodiles entre eux, les gnous, les tigres ou les gazelles.

Il faut ensuite prendre en compte la manière dont un groupe humain règlent ses conflits. Nous l'avons évoqué dans les premiers entretiens. Dans le passé, dans l'Empire Romain d'Occident de l'an 0 à 450 ans, il semble qu'un empereur sur deux était assassiné sans parler de leur parentèle. Une partie des survivants est morte à la guerre. Peu ont eu une mort naturelle. En France sauf quelques exceptions ( Henri III et Henri IV) depuis le Moyen Age, tous les chefs d'états sont morts naturellement alors que le sort des Mérovingiens ressemblait à celui des empereurs romains.

Les babouins hamadryas dominants sont souvent à la tête d'un harem. Quand le chef vieillit et s'affaiblit, un jeune prend le pouvoir. Si le prédécesseur se retire, il reste en vie mais s'il résiste, il risque de perdre la vie. Une fois qu'il a pris le pouvoir, il arrive que le nouveau chef tue tous les bébés de son harem car il a besoin que les femelles redeviennent fertiles car tant qu'elles allaitent ou qu'elles pouponnent, elles ne sont pas accessibles à ses attentions et il ne peut assurer sa descendance.

Chez les humains, l'avortement a été un moyen contraceptif essentiel jusqu'à la découverte de la pilule contraceptive ( Histoire de l'avortement - wikipedia in english).

Manet2:
Il s'agit d'agression pure. Mais elle est aussi un moyen de communication. Les babouins ont des mimiques et ils poussent de cris. Ils peuvent donner un coup. C'est un coup pour se faire comprendre. Les humains ont la parole.

Manet1 :
Il y avait un jour un film sur les chevaux. A un moment donné, on en voit un qui donne coup d'arrière-train à un autre qui dès lors se met en retrait. Voilà un coup pour se faire comprendre. Les chevaux vivent en groupe et ils ont un chef donc il y a une hiérarchie. Le coup est un rappel à tenir sa place. Ce n'est pas de l'agression pure mais une communication. Il ne faut pas dire que l'agression c'est de la communication mais qu'il y a de l'agression dans la lutte pour accéder aux ressources. C'est l'éternel histoire d'un convive arrivant à une table qui prend la dernière place et à qui l'on demande de prendre la première et l'inverse, celui que l'on rétrograde. Il n'y a pas d'agression mais une parole qui remet en place la hiérarchie du groupe. On peut également parler de la proclamation des résultats du bac en juin: l'un est reçu et l'autre, recalé. Et ce résultat aura des répercussions importantes par la suite: d'un côté il y aura plutôt ceux qui ont ce diplôme et de l'autre, plutôt ceux qui ne l'ont pas.



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Manet2:
« Peut-être n'est-ce pas un singe tueur qui sommeille en nous mais un babouin civil et subtil. Si c'est le cas, peut-on continuer à dire que le sport est un exutoire à nos instincts agressifs. Faut-il croire que ceux qui croient que la course aux armements est la conséquence inévitable de notre incapacité à maîtriser notre agressivité viscérale. Quant au langage, comme le suggère Shirley, il ne peut qu'améliorer la communication et multiplier les solutions pacifiques dévaluant encore davantage la marque de l'agression dans la vie de tous les jours. »

Manet1 :
La réponse est difficile parce que l'on retrouve l'universitaire Strum et le non-scientifique. Dans le domaine des sciences, les sentiments moraux n'ont que faire. L'éthologie terrestre doit nous permettre de parler de tout ce que font les humains comme de tout ce que font les autres animaux ou les plantes. On ne classe pas les choses en bien et en mal. C'est une position qui est difficile à tenir car cela semble justifier les situations morales les plus dramatiques. A l'origine de ce travail éthologique, il y a la catastrophe morale dans laquelle nous nous sommes retrouvé en 1945 en découvrant le massacre de 6 millions de juifs par les Allemands ( La Shoah). L'éthologie traite de cet événement sans dire que c'est bien ou c'est mal, étant entendu que ce n'est ni l'un ni l'autre et non un peu de l'un puisque ce n'est pas de l'autre. Quand un chirurgien dit à un patient que son cœur est malade et qu'il va faire telle intervention il ne dit pas « ce méchant cœur se comporte mal et je vais le punir ». Il constate que le cœur fonctionne mal à cause de raisons qu'il connaît plus ou moins bien: maladie congénitale, mauvaise hygiène de vie et autres accidents cardiaques. Il opère ensuite pour permettre au patient de continuer à vivre. Pour la Shoah, c'est la même chose. Jamais on ne dit "c'est bien et c'est mal". Nous y reviendrons sur la Shoah car nous avons d'autres idées à travailler avant d'aborder celle-là en profondeur.

Si S. Strum était une pure éthologue, elle s'arrêterait à la première phrase pour affirmer que humains et babouins sont proches. Pourquoi se lance-t-elle dans la course aux armements? Ce n'est pas le sujet de son travail. Elle ne devrait pas sortir de l'étude des babouins. Et si elle voulait parler de guerres, elle aurait du se limiter aux guerres entre babouins, les décrire depuis leur apparition jusqu'à leur résolution. Si elle avait étudié les guerres entre babouins, aurait-elle pris partie pour un camp ou pour un autre? Aurait-elle dit que ce camp-là ce sont des nazis et celui-là, les bons résistants français? Elle aurait adopté une vision d'éthologue. Mais nous dès que nous parlons de la guerre chez les humains, nous ne pouvons pas ne pas prendre parti. Si nous parlons aujourd'hui de la Shoah de manière éthologique, beaucoup de gens diront que nous justifions ce qui s'est passé. Le plan scientifique n'a que faire de la morale ni des sentiments.

Manet2:
Elle cherche à travers son étude à comprendre l'humain.

Manet1 :
Elle devrait faire de l'anthropologie ou de l'ethnologie mais pas de l'éthologie.

Manet2:
Elle étudie comment nous sommes devenus humains.

Manet1 :
Elle a des diplômes qui lui permettent d'étudier l'éthologie mais aucun pour l'anthropologie ou l'ethnologie. Nous en avons déjà parlé dans l'entretien précédent au sujet de historiens. Ce sont des chasseurs de faits concrets et de traces réelles mais une fois qu'ils les ont apportées, ils s'aventurent dans des explications générales sur les humains qui sortent de leur champ de compétence. Ils n'étaient compétents que tant qu'ils restaient dans leurs faits concrets. Dans la passé, les prêtres ne s'estimaient-ils pas capables de parler de la reproduction du seule fait de leur statut?


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Manet2:
Elle croit à ce qu'elle fait.

Manet1 :
C'est de l'ordre du sentiment. La croyance peut être trompeuse.

Manet2:
Telle personne a construit une serre dans son jardin et elle y a mis tout son cœur. On ne peut pas vivre sans cela. Ce n'est pas une croyance.

Manet1 :
Nous sommes en train de faire un travail scientifique.

Manet2:
Les scientifiques ont une croyance.

Manet1 :
Reportons nous à notre réflexion sur le sentiment. Nous avons dit qu'il jouait un rôle fondamental pour les humains. La croyance également.

Parlons-en.

A propos du sentiment, il avait été question de cristallisation et de ressources de vie éternelle. Il y a 7 milliards d'humains, il y a donc 7 milliards de croyances. Il n'y en pas qu'une.

Manet2:
Il faut que chacun croit à ce qu'il fait même si le temps vient ensuite le contredire.

Manet1 :
Il s'agit de tous les humains sapiens. Notre croyance nous meut. Chaque JE a une croyance différente de celle d'un autre JE. Il existe des croyances collectives. Chez nous, nous en connaissons au moins une, la croyance chrétienne. Mais quand on regarde de plus près, on voit qu'au niveau des grands théologiens, il y a des désaccords. Dans notre ville, à la messe, il peut y avoir 200 personnes. Regardons ceux que nous connaissons et nous aurons un jugement par personne en fonction des bonnes ou mauvaises actions que nous leur connaissons. Tel est un fieffé voleur, cet autre, un saint. Donc quelque soit la croyance dominante, chacun aura la sienne propre. Elle est la conscience du JE. Tant que le JE est vivant, il est un JE. Et quand le JE croit en quelque chose, c'est qu'il croit en le JE qu'il est. JE vit.

C'était important de s'arrêter sur ce mot. Dans le travail scientifique que nous faisons, il faut autant que possible utiliser tous les mots de la vie courante et que les gens connaissent bien. Il faut éviter d'inventer de nouveaux mots, autant que possible. Mais ces mots doivent être consistants quitte à en revoir un grand nombre pour leur redonner une définition claire et simple. Pour parler des vivants humains, il ne faut plus dire « les hommes » mais les « humains » ainsi on ne se pose plus la question si les femmes sont concernées et quand on parlera d'homme on saura que c'est en comparaison avec femme.

En conclusion, nous constatons que la croyance de S. Strum c'est la paix universelle entre les humains. Mais c'est hors sujet par rapport à son étude sur la vie des babouins.



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Manet2:
« Le pouvoir vrai appartient au sage plutôt qu'au fort. » C'est en relation avec ceci: « je me trouve une nouvelle interrogation: les deux sexes ont-ils les mêmes possibilités de manœuvre sociale et ont-ils autant besoin l'un de l'autre? L'évolution des mâles et des femelles sont-elles identiques?

Manet1 :
Ce qui est intéressant dans le livre de S. Strum, c'est sa partie descriptive. Mais il faut prendre sa partie explicative avec prudence et esprit critique. Le rêve des « intellectuels » c'est que ce soit les sages qui dirigent le monde.

Manet2: 
Les sages ce sont les alliés et la force brute est à combattre.

Manet1 :
Nous devons vivre aujourd'hui à 7 milliards d'humains où il y a des forts et des faibles, des grands et des petits, et c'est un peu comme un voyage organisé dans un bus où il y a 60 personnes qui ne se connaissent pas dont l'objectif ce sont des visites, des repas et des hébergements en commun. Ce n'est pas de tout repos. Et notre voyage organisé concerne un groupe de 7 milliards d'humains qui comporte déjà une organisation: des pauvres, des moyens pauvres, des petits chefs, des grands chefs, des riches et des très riches. Cette organisation a été inventé par les humains pour vivre ensemble.

Dans un entretien sur le pilote de la mise en place l'obélisque et les tireurs de corde, nous avons dit que la fonction du riche – du pilote - est d'être obéi de manière quasi certaine sous peine de ne jamais pouvoir construire un obélisque. Les tireurs ne doivent pas penser que le pilote est un tireur comme eux et qu'on peut refuser son ordre parce qu'étant comme tout le monde il n'a pas d'ordre à donner. Mais évidement le pilote et le tireur sont des JE humains de même nature. Voilà l'origine de l'organisation.

Les sages doivent-ils diriger? Oui et non! Il y a plusieurs sages. Il y a celui qui sait utiliser la violence à bon escient et celui qui ne saura pas. Le premier est plus efficace que le second. Si nous rencontrons une personne qui veut nous tuer, que faisons-nous? Il faut se défendre et gagner. Si un sage ne sait pas se défendre, il disparaît.


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Manet2:
S. Strum croit à ce qu'elle fait. Elle rencontre Jonas, son futur mari qui se passionne pour l'environnement. Il n'y avait plus que les babouins qui existaient dans sa vie et au monde. Et un jour elle a appris que toutes les personnes du Kenya qui l'avaient aidé chassaient les babouins qui venaient chaparder dans les maigres jardins – leurs seules ressources de vie - qu'on leur avait donné. Elle considérait au début qu'ils étaient méchants mais elle a fini par en comprendre la cause.

Manet1 :
C'est le problème des touristes qui reviennent de leur voyage les yeux remplis d'admiration pour ce qu'ils ont vu. L'herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin: il y a des gens qui espèrent trouver mieux ailleurs. Attention: ils ont peut-être raison: ailleurs cela peut-être mieux qu'ici. Quand les ressources commencent à s'épuiser, il faut aller voir ailleurs.

Manet2:
On peut avoir de grandes compétences et des œillères.

Manet1 :
L'avantage de l'éthologie terrestre c'est de partir du principe que tous les JE vivants rencontrent des problèmes analogues. S. Strum pose comme principe implicite que les babouins et son université ont des problèmes différents. La société des babouins rencontrent les mêmes problèmes que la société dont l'université fait partie. S. Strum avait été un peu exploitée par son maitre de thèse. Chez les babouins, l'exploitation d'un plus faible par un plus fort existe également.

Manet2:
« L'idée de la hiérarchie chez les mâles est-elle si profondément enracinée qu'on ne peut la mettre en question dans le comportement humain »

Manet1 :.
La hiérarchie existe chez tous les animaux. Au niveau minimal, quand deux chats se rencontrent, ils entrent compétition pour savoir à qui appartient un territoire. Une fois la solution trouvée, si elle ne donne pas lieu à disparition de l'un des protagonistes, le non-titulaire évite le territoire du titulaire. Mais la situation est rendue complexe par la vie sociale. Comme il y a beaucoup de membres dans un groupe, l'accès aux ressources est fort règlementée sinon c'est la catastrophe.

Pourquoi réserver la hiérarchie aux mâles? Le livre montre qu'il y a une hiérarchie chez les femelles et que l'organisation des babouins est matriarcale.

Mais n'évitons pas la question. Pourquoi les mâles sont dominants? Chez les humains et ailleurs?

Manet2:
Il y a la protection et la sécurité?

Manet1 :
Pas forcément. Dans notre précédent entretien nous avons parlé de l'émeu. La femelle est plus grande que le mâle. Elle pond un ou deux œufs.

Manet2:
C'est le mâle qui s'en occupe par la suite.

Manet1 :
Mais ce modèle est très rare chez les mammifères.

Cependant chez les hyménoptères – fourmis, abeilles et guêpes – il y a une reine qui a été fertilisée et qui pendant toute sa vie pond des œufs avec son ADN et l'ADN du mâle qui l'a fertilisée. Elle est la seule à produire des enfants pour son groupe : elle en ralentit ou en accélère la production selon les ressources apportées par les ouvrières. Il y a une maîtrise des naissances et de la population. On lui donne le nom de reine mais elle n'a pas les mêmes pouvoirs que la Reine Élisabeth II d'Angleterre. Elle est le Roi avec des pouvoirs, c'est un homme. Alors que la reine des abeilles est femelle totale car elle ne fait que pondre des œufs.

Après l'émeu femelle, nous avons parlé de la reine des abeilles. Chez les abeilles et les fourmis, la femelle est dominante au point qu'il n'y a pas de mâles pendant la vie non reproductive. Toutes les ouvrières et soldats sont femelles et sœurs car la reine est l'unique mère. Ce n'est qu'avant l'essaimage que la reine produit d'autres reines et des mâles. Richard Dawkins donne une description très détaillée de cette situation mais comme elle est mise au service d'une thèse discutable, on oublie à quel point ce travail est intéressant.

Donc le mâle n'est pas universellement dominant. Mais il semble l'être chez les mammifères. Pourquoi?

Manet2:
Il y a une réponse?

Manet1 :
Pas pour l'instant. Nous irons pas jusqu'au bout dans cet entretien mais nous allons avancer un peu.

Nous allons commencer par mettre de côtés nos sentiments et nos croyances à nous deux.

Regardons autour de nous: le statut de la femme par rapport à l'homme est beaucoup plus souple et nuancé que nous ne l'exprimons. Il y a des couples autour de nous où la femme domine le couple. Il y a une association. L'homme en fait partie. Il y a des jours où la femme lui interdit de se rendre à une réunion. Dans les mines de charbon, on raconte que des femmes reprochaient à leur mari d'avoir un taux de silicose ( tuberculose du charbon) inférieur à celui du voisin donc d'avoir une pension d'invalidité inférieure. On parlait aussi des maris qui rapportaient leur salaire à leurs épouses et elles leur donnaient ou pas leur argent de poche pour leurs cigarettes. Il faudrait des statistiques précises mais la réalité n'est pas toute noire pour les femmes et toutes blanche pour les hommes.

N'oublions pas, par contre, qu'il y a plus de femmes battues que d'hommes battus et que dans les prisons de France il y a 4% de femmes et 96 % d'hommes ce qui selon des statistiques un peu primitives prouverait que l'homme est 29 fois plus violent que la femme (si l'on divise 96 par 4). Mais il arrive souvent que lorsque l'homme est en prison, son épouse le quitte en emportant les enfants et tous les biens. Il y a 100 ans, une femme ne pouvait pas voter, elle ne pouvait signer de chèques. Le maréchal Pétain était partisan du vote familial assumé par le père titulaire d'autant de votes que d'adultes dans sa famille. Il y a des pays qui ont eut des femmes monarques puissantes comme l'Angleterre ( Élisabeth I°) ou la Russie (Catherine II ) et d'autres, notamment la France, où elles étaient exclues du pouvoir. Dans les films soviétiques on voyait des femmes cantonnières. En Pologne, a été tué dans l'accident de Smolensk, une héroïne de Solidarnosc de 1989, Anna Walentynowicz qui à cette époque était grutière.

Il faut diviser le problème en deux.

Problématique 1 :
A un moment donné, il y a peut-être une cause qui entraîne une division du travail entre la femme et l'homme: l'un faisait très bien un certain nombre de choses et l'autre, autre chose. On reprend le modèle du chasseur cueilleur itinérant. Dans ce cas de figure, le groupe est en déplacement permanent et la femme porte un enfant dans son ventre. Il n'est pas question qu'elle porte des choses sur son dos. C'est l'homme qui va les porter, qui va chasser, qui va orienter ou qui va se battre. Il s'agit de nomades: quand l'enfant nait, il est porté par la femme tant qu'il ne sait pas suivre le groupe de manière autonome. Notons une fois de plus que ce n'est pas une justification mais la description imaginée d'une réalité qui devait être proche de ce schéma.

Problématique 2:
A un moment tout le monde sort d'Afrique. Ils se ressemblent tous puis ils se répandent sur toute la Terre et s'éloignent les uns des autres dans l'espace et dans leurs méthodes d'organisation. Leurs corps vont diverger de même que leurs langues, leurs coutumes et leurs habitudes. Puis quand en 2010, tout le monde se retrouve, il y a le modèle monogamique éternel des chrétiens qui s'oppose au modèle polygamique de la religion musulmane avec ses différents niveaux de contrainte.

Manet2:
C'est toujours une volonté d'homme!

Manet1 :
Pour l'instant nous n'en savons rien. Nous décrivons ce que nous voyons. Cela existe. Dans les deux cas, l'homme est dominant comme il l'était dans l'état précédent. Pourquoi lors du passage à l'agriculture les rapports n'ont-ils pas été rééquilibrés? Il pourrait y avoir une raison liée aux enfants. Quand la sédentarisation s'est installée à l'occasion de la généralisation de l'agriculture, les enfants ont permis d'augmenter les ressources de vie éternelle. Les enfants c'est la femme qui les porte. C'est la biologie qui l'impose, pas les humains. L'émeu femelle peut confier son fœtus à un mâle, le mammifère ne le peut pas. Comme la femme porte beaucoup d'enfants et comme cela la rend inapte à la chasse et à la guerre, c'est l'homme qui en est chargé. Il est donc chargé des affaires extérieures alors qu'elle s'occupe des affaires intérieures. On voit chez certains peuples musulmans une coupure totale entre l'extérieur de la maison qui est strictement réservé à l'homme et l'intérieur qui est le « royaume » de la femme.

( Il y a des situations divergentes aujourd'hui. On voit dans certains pays africains, des femmes qui portent leurs enfants, travaillent les jardins et transportent le bois et l'eau. On peut considérer cela comme une manifestation ultime de ces conséquences où la femme rendue inférieure se voit attribuer un statut de semi-esclave)

Ces descriptions explicatives ne sont pas des justifications. C'est arrivé de cette manière mais on ne dit pas que c'est normal ou non.

- 10bis -



Développement exclusivement théorique.


Le modèle polygamique peut trouver une explication dans le travail qui a été fait dans l'entretien précédent. A partir de calculs théoriques, nous avons estimé que l'homme peut produire un enfant par jour pendant toute sa période de fertilité et nous avons arrêté arbitrairement le chiffre de 8000 enfants possibles pour toute une vie d'homme. Nous avons également décidé théoriquement que la femme peut produire 20 enfants sur sa vie. Si l'on traduit cela en configuration familiale théorique, on obtient 1 homme avec 400 épouses (8000 / 20). Cela pourrait être une hypothèse éthologique pour certaines sociétés polygamiques ou nous trouvons 1 homme et 4 femmes dans une famille pauvre et 1 homme avec un harem dans une famille riche.

Poussons ce raisonnement dans ses derniers retranchements. Supposons que les 30 millions d'hommes français de 2010 produisent chacun en 50 ans 8 000 enfants chacun, en 2060, en ne tenant pas compte du nombre des femmes, il y aurait 240 milliards de français... Ce qui est inenvisageable dans le futur et dans le passé. Le succès plus modeste du sultan du Maroc qui au XVII° siècle fut le père de 700 garçons sans compter les filles a rarement été renouvelé. Faisons maintenant le calcul côté femmes et sans tenir compte des hommes. Si les 30 millions de femmes de 2010 produisent en 50 ans, 20 enfants chacune, il y en aura 600 millions en 2050. Cela reste excessif.

Nous pouvons tirer quelques conclusions:
- Dans le modèle polygamique
la « médiocre » fertilité des femmes et le fait qu'il y a 50% de femmes et 50% d'hommes obligent les hommes à passer de 8000 enfants à 80 enfants avec 4 femmes mais il y a trois hommes sans femmes. Sur quatre hommes, il y a 7920 coïts stériles et trois fois 8000.

S'il y a un homme pour quatre femmes et que faire 20 enfants par homme c'est largement suffisant, chacune ne donne que 5 enfants. Pour quatre hommes, il y a 7980 coïts stériles et trois fois 8000.

- Dans le modèle monogamique,
la « médiocre » fertilité des femmes et le fait qu'il y a 50% de femmes et 50% d'hommes obligent les hommes à passer de 8000 enfants à 20. Il y a 7980 coïts stériles pour tous les hommes.


Conclusion :
 
Dans les deux cas, reste à envisager l'utilisation des 7980 coïts stériles. Voici l'origine des tensions internes au couple dont les deux solutions extrêmes sont l'abstinence prônée par le christianisme et une vie sexuelle harmonieuse telle qu'elle est envisagée de nos jours où tous les coïts restent dans le couple.
Entre ces deux extrêmes, il y a toutes les dérives , les névroses, les transgressions, la pédophilie, l'homosexualité et la prostitution.



Codicille:
Voilà une manière éthologique d'étudier la question. Les deux types de mariage ne sont pas les seuls qui existent. D'autres solutions ont existé, existent et verront le jour.

Ce débat strictement théorique mériterait un passage par des études de terrains... oh combien périlleux.



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Manet2:
On parle de sexe et de sexualité?

Manet1 :
Non, il s'agit de reproduction. Le terme de « sexualité » comme celui de « vie » n'a pas de signification concrète. Les bons concepts sont la reproduction et les vivants. Quand nous nous regardons dans un miroir, nous ne voyons pas une deuxième personne mais nous-mêmes. Nous sommes dans le domaine des ressources éternelles de vie. Tout est lié, nourriture, vêtements, reproduction.

Manet2:
Le reproduction, c'est l'homme!

Manet :
Non. La femme donne la moitié de l'ADN et l'homme, l'autre. Mais la femme ne peut contribuer qu'à 20 enfants alors que l'homme peut contribuer à 8000 enfants. 20 enfants pour une femme c'est relativement facile pour une femme riche car elle les confie à ses servantes mais cela la rend moins disponible 20 fois 9 mois. Donc si c'est plus léger que pour une famille pauvre, ce n'est pas une sinécure.

Cette discussion nous amène à conclure que le couple monogamique éternel et le couple polygamique sont inventés pour répondre à l'organisation de la reproduction chez les humains.

Manet2:
Et ce sera toujours ainsi?

Manet1 :
Rendons visite aux plantes.

Prenons un arbre. Sur cet arbre, il y a 10 000 fleurs et 10 millions de graines de pollen. Chaque graine pouvant donner un arbre, un seul arbre, si toutes ses fleurs et tous ses graines de pollen donnaient un résultat, produirait au moins 10 000 arbres. Chaque année, un arbre en produirait 10 000. Et l'année suivante ces 10000 en donneraient 100 000 000. Ils se multiplient par 10 000 chaque année. En 100 ans, la Terre serait submergée à partir d'un seul arbre!! C'est le vivant qui est organisé de cette manière-là. Il y a 3 milliards d'années, nous n'étions que des unicellulaires qui se divisaient par deux pour se multiplier. On couvre la Terre sans difficulté et rapidement de cette manière. Cette capacité à se multiplier de manière aussi explosive existe dès l'origine des vivants.

Sans faire de lien avec le non-vivant, on a l'impression d'avoir à faire à une course de vitesse entre les risques de catastrophes ou de morts et la multiplication effrénée des vivants. Le moyen de lutte par excellence du vivant contre le non-vivant, c'est la multiplication.

Manet2:
Dès le moment où l'enfant paraît, c'est la femme qui a le plus grand rôle.

Manet1 :
Il faut d'abord répondre à la question: est ce que sera toujours ainsi?
Le modèle le plus logique semble être le mariage polygamique un homme pour 400 femmes. Chez les abeilles, c'est parti dans un sens différent mais ce n'est pas applicable à l'humain: la femme ne peut faire naître que 20 enfants et une reine abeille des milliers. Les insectes donnent naissance à un grand nombre de descendants mais il y a beaucoup de pertes alors que chez les animaux, les naissances sont fort limitées et il y a beaucoup moins de pertes;
Cela peut changer le jour où l'on passerait à la fécondation in vitro universelle. Cela marche bien pour les animaux des fermes pour lesquels ont utilisent des reproducteurs inséminateurs.

Dans le précédent entretien nous avons dit que nous étions 7 milliards mais que nous aurions pu être extrêmement plus nombreux ou extrêmement moins nombreux. Tout cela, c'est le hasard.
Chez les humains, nous gérons mal la naissance des enfants.L' Institut National des Études Démographiques avait parlé dans le passé de démographie maîtrisée dans les pays développés car l'augmentation des ressources n'entrainait plus l'accroissement de la population contrairement à certains pays "en voie de développement" où chaque accroissement de ressources multipliait la naissance des enfants. Si plus aucun enfant ne mourrait, si tous les humains vivaient jusqu'à 100 ans, et que chaque couple faisait un grand nombre d'enfants, la France, par exemple, atteindrait rapidement plusieurs centaines de millions d'habitants. Ne faudrait-il pas un organisme terrestre qui décide combien chacun doit avoir d'enfants – 0, 1 ou 2 - et de les planifier en liaison avec les ressources?

Manet2:
Pour vivre longtemps et manger sainement!

Manet1 :
L'explosion de la démographie a commencé en 1929. Personne ne se rend compte ce que signifie gagner un milliard d'humains en 30 ans seulement. Si on y ajoute l'idée que chacun des 7 milliards d'humains c'est la personne que l'on aime le plus, notre cœur n'arrive pas à les englober. Alors, a-t-on le droit de faire naître un nouvel enfant? Mais il est quasiment impossible de l'interdire à des jeunes mariés qui ont cristallisé et qui sont sur le point de concevoir un enfant désiré. Qui est habilité à le dire?



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Manet2 :
Faudra-t-il un jour en France n'avoir qu'un enfant comme en Chine? 

Manet1 :
Vivre longtemps et manger sainement, c'est « programmé » chez les humains. Les arbres ont tous une limite d'âge. Si on les laissait pousser, ils couvriraient la Terre. C'est une chance que T. Roosevelt ait créé le Yosemite Park, sinon on ne saurait plus ce qu'est un séquoia. Il y a 200 millions d'années, toutes les zones froides et tempérées étaient couvertes de ce type d'arbres.
Mais si nous sommes trop nombreux et les ressources insuffisantes, que se passerait-il? Le paradoxe c'est que nous sommes incapables de savoir si nous sommes à une époque de pénurie ou non car tout est médiatisé par la sociabilité et nous sommes jamais dans la situation de deux chats face à une seule ressource de vie. Regardons la Terre. Dans certains pays, il semble qu'il y ait bien plus de ressources que nécessaires et pourtant il y a des SDF. Dans d'autres, il y a des famines mais nous nous disons que c'est le résultat de leurs guerres intestines alors que c'est peut-être le contraire et de toute manière il y a des gens en France qui disent qu'il suffit d'y envoyer de l'argent et de l'alimentation. L' Europe, dit-on, est en crise: est-ce passager ou est-ce le début d'une fin? On ne le sait pas. Et on ne le saura pas demain car on aura oublié le passé. Une fois que nous serons morts, nos enfants ne se souviendront pas ce que nous avons connu. La décadence, c'est toujours loin dans le passé.

Il y a une pensée collective de la France, en ce qui nous concerne et elle nous dit qu'il y a une crise grecque.

Manet2:
et une crise belge. 

Manet1 :
Et peut-être qu'un jour viendra où un état face à une population démesurée décidera d'interdire aux humains de se reproduire et passera aux bébés-éprouvettes.

Manet2 :
Peut-on y croire?

Manet1 :
C'est en contradiction avec l'éthologie humaine où les mariages éternels jouent un rôle important et sont les lieux par excellence de naissance des enfants. Mais c'est l'éthologie qui est à l'origine de la reine des abeilles. Qui dit qu'elle ne provoque la même évolution. Nous n'en savons rien tant que cela n'existera pas. Mais à ce moment là la cristallisation et les couples éternels nous paraîtrons bien exotiques. L' État Terre devra prendre des décisions plus dures que celles que les chinois subissent de nos jour avec la loi de l'enfant unique. En Chine cette décision donne des résultats positifs même si des riches passent à travers. L'évolution des abeilles montre que la conscience collective l'emporte sur la recherche de vie d'un vivant. 

Manet2 :
L' État Terre se rééquilibrera, il faut lui faire confiance. 

Manet1 :
Rééquilibrer provoque des drames. Les humains s'unissent dans des sociétés pour surmonter des situations qui seraient insurmontables autrement. 

Manet2 :
Vivre plus âgé: les gens font de moins en moins d'enfants car la femme travaille et le couple recherche son confort. 
 
Manet1 :
Nous allons vers la solution mais la presse ne cesse de dire que notre démographie s'effondre, que notre population vieillit et que les jeunes ne pourront payer les retraites de leurs parents. Elle affirme également que nous sommes meilleurs que les Allemands dont la population diminue alors que la notre augmente légèrement. Et puis il faudrait que les humains n'arrêtent pas de travailler si tôt. 

Manet2 :
A un moment, cela n'ira pas puis cela s'améliorera.
Les médias ne sont pas toujours raisonnables. 

Manet1 :
Le média existe parce qu'on l'achète. Donc on est d'accord avec lui.

Manet2 :
Il nous apprend des choses. Notre monde est fragile. Quand il y a un évènement, il n'y a aucun recul. C'est une erreur. Les jeunes citoyens attendent une réponse de la télévision. Les jeunes se font une opinion politique à partir de Guignols.

Manet1 :
Les journaux existent depuis 300 ans. Quand ils ont été créés ils ne concernaient qu'une petite partie de la population. En France, il y avait le Roi, sa Cour, les aristocrates et en dessous le peuple qui travaillait et vivait sa vie. Chacun vivait chez soi dans son village ou sa ville. Il y avait peu d'échanges. Arrivent les communications: trains, voitures, et les gens se sont mis à bouger en nombre de plus en plus grand. De plus en plus de journaux de plus en plus importants. Auparavant, au delà de 50 km, on était à l'étranger. Aujourd'hui un pédophile est arrêté à Hong Kong, nous en sommes immédiatement informés. Pourquoi ces informations-là nous arrivent et pas d'autres?

La première télévision était d'un haut niveau et un lieu de culture. Maintenant, il y a des déclarations politiques à chaque instant. Chaque jour un philosophe parle. Faut-il voter ou ne pas voter? 

Manet2 :
Les générations qui arrivent sont un monde d'assistés.

Manet1 :
La courbe des populations est exponentielle. Il y a une multiplication des gens. Et chacun est extrêmement intelligent. 

Manet2 :
 le voilà, le problème! 

Manet1 :
Les gens visitent le monde entier. Ils découvrent des nouveaux mondes tous à tour de rôle. Les gens sont-ils assistés? Il y a beaucoup de gens qui sont au dessous du seuil de pauvreté. 

Manet2 :
Les assistés ce sont les fils de notables! 

Manet1 :
Les médecins généralistes souhaitent être payé comme des spécialistes. Il faut remplacer des infirmières car une bonne partie de leur intervention est de ce niveau. Pourquoi y mettre un étudiant hyper sélectionné et qui a fait 10 ans d'études. 

Manet2 :
L'humain a tendance à être conservateur? 

Manet1 :
Il y a le parti conservateur anglais. Il y a le fait de ne pas aimer le changement. Si l'on pouvait obtenir plus de ressources avec moins de difficulté, cela peut être un problème évolutif. 

 Manet2 :
"Peut-on vivre en ne tenant compte que des intérêts humains? » 

Manet1 :
Nous sommes humains, nous n'en sortons pas. On ne peut séparer humain d'intérêts humains. 

Manet2 :
Il faut parfois passer outre!

Manet1 :
Pourrait-on ne pas être humain? Tout ce qui est humain nous concerne et aussi ce qui ne l'est pas s'il a un impact sur l'humain.



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Manet1 :
J'ai fait une découverte depuis notre dernière rencontre. Cela concerne les synapses. On dit que de zéro à 7 ans un enfant produit 2 millions de synapses par minute en moyenne. Nous nous estimons scientifiques parce qu'il existe des médecins, des chirurgiens et beaucoup d'humains qui s'attribuent cet adjectif. Dès que l'on parle des enfants, on parle d'éducation et nous oublions que s'il n'y avait pas à chaque minute création de tant de synapses, l'enfant ne progresserait pas. Il resterait dans l'état où il était au moment où les synapses ont cessé de se créer. Ils se créent dès qu'il y a des neurones.

Il y a deux haploïdes à l'instant zéro et puis c'est l'explosion: à l'instant + 9 mois, il y a 10 milliards de cellules et 80 types de tissus dont le cortex cérébral avec ses quelques milliards de neurones. Dès qu'il y a des neurones, se créent des synapses. Les neurones sont des magasins d'information et les synapses les mettent en relation. Quand le bébé nait: il voit, il sent, il touche, il goûte et il entend. Les synapses enregistrent. Quand on regarde un enfant plutôt que de voir un être vivant informe, il faut voir une machine en création permanente. Si on lui dit « bonjour, mon doux bébé », il va enregistrer une musique douce et des sons imprécis, une douceur, et simultanément un regard aimable. Il va créer un lien entre le regard et le son de la voix. Il va enregistrer la manière dont il est tenu. Cela fera un tout. Et ce sera enregistré comme tel. C'est une situation simple. Mais en permanence, il enregistre. Y compris l'équilibre. Il commence à marcher. Ces muscles durcissent mais ce sont les synapses qui gèrent son équilibre. Quand il se redresse, la bonne posture est prise en compte. Définitivement. S'il perd cette information, il perd son équilibre.

Manet2 :
Un enfant qui a du retard? Tous ne marchent ou ne parlent pas au même âge.

Manet1 :
La couche précédente détermine la couche suivante. Et le développement prend un chemin particulier. Il est intelligent? Non, c'est le travail des synapses.

Pourquoi, des humains vont en prison? Nous avons parlé d'une situation d'accueil favorable de l'enfant: une douce parole, un doux regard, et une pression affective. Voici maintenant une mère alcoolique et hagarde. Elle prend son bébé sans le regarder, sans lui parler, crispée. Les synapses enregistrent. Ce n'est donc pas une histoire de gènes ou d'ADN qui se joue une fois pour toutes à l'instant de la reproduction et ne change plus de la première seconde de vie jusqu'à la mort mais un problème de synapses qui ont commencé à travailler dans le ventre de la mère mais explose dès la naissance. La dangerosité est déterminée dès l'enfance dans le cerveau et non dans l'ADN. Le cerveau enregistre des évènements complexes de l'ordre du non-dit. On connaît des familles où les familles ne cessent de faire des protestations d'affection et portent dans leur cœur des haines profondes: il y a des regards mauvais, des tensions et parfois des coups bas. On trouvera ensuite dans la société un personnage correct extérieurement et qui intérieurement sera méchant. Et un jour, face à une situation particulière, c'est sa nature profonde qui va parler. Ces synapses déterminent des attitudes positives ou négatives profondes.

Certains jours, nous sommes découragés ou fatigués et nous n'avons pas envie d'agir. Nous nous prenons à deux mains et commençons une activité dont nous savons qu'elle nous apportera du punch et nous remettra sur les rails. Nous faisons une chose qui nous fait plaisir. Cela vient du fait que dans notre cerveau il y a eu des câblages qui ont mis des points positifs sur des actions. Prenons un enfant qui n'a jamais positivé sur une acte social – par exemple, une grand-mère donne des grains de radis à un enfant qui se réjouit ensuite de les récolter – il n'y verra qu'une tâche pénible. Nous rencontrons en prison des gens qui ont eu dans leur enfance très peu de positivité et d'investissement dans le travail ou la lecture. Que faire avec eux une fois le cerveau câblé?

Manet2 :
Ils ont le cerveau malade parce que la réception n'a pas été bonne au départ.

Manet1 :
Si nous retirions ces enfants de leur famille biologique dès le jour de leur naissance et que nous les confions à une famille aimante, il n'y aurait aucun problème.

Manet2 :
Il ne faut pas déraciner l'enfant.

Manet1 :
Oui. Nous retrouvons le mariage monogamique éternel qui est fondé sur un principe: l'enfant doit être conçu biologiquement par le couple qui s'en occupe. Dès que l'on s'éloigne de ce modèle, nous courrons des risques même si beaucoup d'adoption sont des réussites. Tout notre droit est basé sur cette continuité biologique.

Alors ce qui se passe est problématique. Ils restent un an avec leurs parents biologiques: un an de synapses dans le mauvais sens. On les met dans une famille d'accueil qui ne sont pas une garantie de bon accueil: de nouveaux des synapses dans le mauvais sens. Cela ne marche pas. Il y a plusieurs années défavorables. L'enfant rejette père, mère et société. A 1 an ce sont les caresses puis plus tard ce sont les concepts et les idées de plus en plus générales. Les accueils se multiplient puis les centres fermés et enfin la prison. J'ai connu une personne qui correspond à ce parcours.

Ce qui est gênant dans cet exposé, c'est que l'on ne sait pas ce qu'il faut faire.

Manet2 :
C'est normal: à la naissance, on ne peut savoir ce qui va se passer. Par exemple, une petite fille a fait deux dents sans pleurs aucun et sans que cela se remarque.

Manet1 :
C'est peut-être que l'accueil qui lui est fait – l'environnement et ses parents - la satisfait. Pour sa mère, le monde s'est arrêté depuis sa naissance et elle ne s'occupe que d'elle. Il y a une totale harmonie entre elles deux. Il y a en prison, un homme dont l'amie s'est remise à l'alcool alors qu'elle a trois enfants. Que faire pour eux?

Manet2 :
Il faut des moyens!

Manet1 :
Avant cela, il faut une idée sur la solution. Si on les retire, on risque de briser la vie de la mère. Les enfants sont parfois la dernière planche de salut des parents.
Il nous reste une maigre récolte: le message du christianisme "aimez vous les uns les autres".




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