vendredi 4 juin 2010

16° entretien

Seizième entretien Manet2 et Manet1 3 juin 2010 ( Côte d'Opale - septembre 2007)
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Manet1:
Pourquoi ne pas faire une courte synthèse des 15 entretiens? Comment es-tu avant l'entretien n°1 et comment cela se passe avant le n°16? 
Manet2:  
Avant le n°1, il était difficile de dire où nous allions. Dorénavant la découverte continue. Souvent il y a un décalage de deux entretiens. C'est normal. Il faut avancer lentement. Nous avons une idée précise sur les origines des vivants et sur l'évolution. Ce n'est pas facile. Il y a notre éducation et notre vécu dont on ne décroche pas aussi facilement. Et puis il ne suffit pas d'accepter ce qui est dit et de balayer d'un revers de main ce à quoi l'on a cru. Cela voudrait dire que l'on a rien compris. Il faut être à l'écoute et en éveil et essayer de répondre à la question "comment ceci va-t-il remplacer cela?". 

Manet1:  
Nous réalisons un travail scientifique et à priori il ne devrait pas nous changer. Nous ne travaillons pas dans le champ moral. Faison du coq à l'âne tout en restant dans notre sujet et parlons de Bill Gates, des fondateurs de Google, d'Intel ou d'Apple. Tous commencent leur vie il y a quarante ans en bricolant dans un garage. Aujourd'hui, les sociétés qu'ils ont fondées sont multi-milliardaires. La première réaction est de les traiter de génies. Au bout de notre seizième entretien, nous ne pouvons pas dire cela car tous les humains bougent en même temps. Oui, il y avait Bill gates mais partout dans le monde occidental, il y avait beaucoup d'évolutions technologiques qui peu à peu convergeaient: l'électronique, la chimie, Einstein, Openheimer, la relativité et la bombe atomique. Et c'est tout cela réuni qui s'est retrouvé chez Bill Gates. Tous les humains sont interchangeables: ce n'est pas Bill Gates qui a trouvé mais un humain.

Manet2:
Certes mais cet humain porte un nom!

Manet1:  
C'est une nuance. Car quand nous analyserons cet événement à l'aune du millénaire, nous aurons oublié l'humain nommé Gates et nous dirons que l'humain - tout court - à tel millénaire a découvert la pierre taillée, la pierre polie, l'astronomie ou l'informatique. Les noms propres vont s'estomper parce qu'on les aura oublié, ne resteront que les points durs de l'évolution des humains, en ce qui nous concerne.

Manet2:  
Oui mais à un moment donné, il y a un JE particulier.

Manet1:  
Ici, nous touchons du doigt le fait que la Vie n'existe pas mais qu'il n'y a que des vivants. C'est pour cette raison que le progrès Microsoft est dans Bill Gates ou le progrès Apple est dans Steve Jobs. Si nous avions un traçabilité gigantesque, peut-être serions nous capable de trouver le premier JE plante à fleurs. C'est une grande évolution. Une plante envoie ses étamines mais à quoi cela sert si elles ne rencontrent aucune autre? Et d'un autre côté, les plantes à fleurs c'est comme les mammifères, il n'y a que des JE particuliers: JE humain, JE porc, JE éléphant, Je magnolia etc... Aujourd'hui, beaucoup de gens aiment les Beatles. Il y a des millions de gens qui les écoutent. Mais ils sont apparus à une époque où des milliers d'orchestres faisaient de la musique qui en était proche. Ces chanteurs se sont trouvé à un confluent d'un grand nombre de forces qui les ont amené au premier plan et tous les fans des petits orchestres se sont tournés vers eux et ils ont commencé à acheter des disques des Beatles qui ont gagné beaucoup d'argent. La beatle mania a emporté des millions de personnes. Nous sommes face à la même situation que Bill Gates. A un moment donné, il y a un grand nombre des vivants humains qui est prêt à accueillir une même situation. Certains actes que nous faisons se passent dans la même contexte: nous avons l'impression de découvrir quelque chose de nouveau qui en réalité est en préparation chez un grand nombre d'humains.

Manet2:  
Je ne l'ai pas inventé.

Manet1:  
Il ne faut pas le définir négativement. On retrouve cela avec les grands mouvements historiques.
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Manet2:
Dans le quinzième entretien, nous avons dit que le but de l'éthologie est aussi de comprendre qui sont ces personnes si différentes de nous que nous rencontrons en prison. Je suis en train de lire le livre suivant: «La source du bonheur » de Christian Boiron paru aux éditions Albin Michel dans la collection Espaces Libres. Il nous dit que le cerveau est composé de trois étages principaux correspondant à des étages de l'évolution et à des niveaux d'organisation spécifiques. On appelle ces trois cerveaux: le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le cerveau neocortical. Ils ne fonctionnent pas forcément ensemble. Il peut y avoir un relais. Si chez certains individus, le relais ne se fait pas, ils agissent différemment des autres humains. Cela a un impact sur leur comportement et ils peuvent se retrouver en prison.

Manet1:
Il y a deux problèmes dans la manière de poser ce problème. La définition de ces trois cerveaux n'est pas scientifique. C'est comme si nous disions que la personnalité d'un humain comporte trois aspects: l'animalité, l'humanité et la divinité. C'est une commodité de langage qui peut-être pédagogique et la personne concernée peut accepter ce tableau. Mais par delà la pédagogie, il n'y a rien.

Manet2:
« Le cerveau limbique gère les programmes automatiques du comportement. »

Manet1:
C'est aussi faux que la Création raconté dans la Bible avec ses 7 jours.

Manet2:
Dans ce livre, on étudie le comportement de l'humain.

Manet1:
Ce sont probablement des psychologues. En tant qu'éthologues, nous n'étudions pas les mêmes réalités. Il ne sert à rien qu'ils interviennent chez nous avec leurs catégories et réciproquement nos catégories ne s'appliquent pas à leur champ d'étude. A quoi cela nous sert-il de savoir que les personnes que nous voyons en prison ont l'un de leurs trois cerveaux qui dysfonctionnent? Faut-il faire une piqure dans le cerveau reptilien? Où est-il? Notre démarche est plus efficace quand nous faisons intervenir synapses et neurones. Le bébé sort du ventre de la mère. Il a déjà un bon bagage qui lui permet de téter, de sentir sa mère enfin tout ce qui fait qu'il paraît déjà un petit d'homme avec de la volonté. Tout cela est partie des deux cellules primitives. On acquière des connaissances et on perfectionne notre apprentissage parce qu'on ne cesse d'enregistrer et de fixer des informations à raison de 1 million de synapses à la seconde: apprendre à marcher, apprendre à parler, apprendre à voir, toujours apprendre puis apprendre à apprendre. A chaque âge tout nous paraît évident: « je l'ai toujours su » ou bien « je l'ai appris à cette époque ». C'est vrai pour nous alors que nous ne sommes que le résultat de tout ce qui nous entoure que nous transformons en JE. J'ai beau être le résultat de tout ce qui s'enregistre chez moi, c'est moi le maître. Je ne suis pas un robot qui est le produit du travail d'un humain. C'est vrai également pour le merle qui passe près de la fenêtre. C'est un JE qui est dans la même situation que le JE que nous sommes. Il est libre. Il agit ou bien il est entre deux actions. Il n'est pas là pour nous faire plaisir ni pour chanter à notre oreille. Le porc n'existe pas pour nous nourrir l'humain. A-t-il lui aussi ces trois cerveaux?

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Manet1:
Quelle est la différence entre une personne en prison et nous? Ouvrons le journal: deux jeunes ont attaqué une école et ils ont tout cassé et volé. Voilà de la clientèle nouvelle pour les visiteurs de prison. Ce n'est pas la prison qui a provoqué le vol. Pourquoi, nous, nous ne sommes pas allé ce matin entrer par effraction dans une école pour y commettre des vols ? Revenons à notre grand pianiste de 4 ans. Chez lui, on écoute de la musique, on l'emmène à l'opéra, on organise des petits concerts chez ses amis, il chante à l'école et à 20 ans il remporte le concours de la Reine Élisabeth de Belgique et il voyage dans le monde entier et il joue. Un autre bébé est arrivé dans une famille où le père est en prison et la mère boit dès le matin. Ses synapses enregistrent cette réalité-là. Il n'y a pas de musique de Mozart ni d'ambiance culturelle, ni de sympathie ni d'intelligence, rien de tout ce que l'on rencontre dans une famille équilibrée. Il enregistre qu'au moment où fatigué, il a voulu se coucher, il a été battu, sans explication. Il avait faim et il n'y avait rien à manger. Il va donc acquérir ces évidences-là. C'était toujours comme-ça.

Manet2:
Pourquoi la société va s'occuper des gens qui sont en prison?

Manet1:
Parlons des principes généraux et des cas particuliers. Nous vivons sur cette déclaration de Victor Hugo qui dit: « ouvrez une école, et vous fermerez une prison ».

Manet2:
Oui. Le jeune doit aller à l'école jusqu'à 16 ans. Malheureusement, ils ont tous décroché avant.

Manet1:
C'est vrai aujourd'hui. Remontons 50 ans en arrière. Les enfants allaient à l'école jusqu'à 14 ans. Ils passaient le certificat d'études primaires et les instituteurs étaient rudes. Comme leurs parents. Puis nous avons assisté à une lente disharmonisation de la société. Notre rôle dans ce contexte c'est d'abord de constater que dans le passé l'Éducation Nationale touchait plus profondément la population. Et la phrase de Victor Hugo était bien plus pertinente. L'absentéisme scolaire était combattu et l'autorité du maître bien assise. Nous en sommes bien loin à présent. Face à cela, que faire? La grande différence entre nous qui visitons les détenus et nos voisins qui ne se préoccupent que de leurs petits enfants, est que nous préparons mieux l'avenir de nos petits enfants.

 Manet2:
Je ne ressens pas cela de cette manière.

Manet1:
Si on nous disait que s'il y a moins de détenus, la vie de nos petits enfants sera plus sûre, cela nous satisferait.

Manet2:
Je ne l'ai pas vécu comme cela jusqu'à présent.

Manet1:
En 1929, il y eu le krach de la Bourse de Wall Street suivi de l'effondrement des économies européennes. Les notables allemands perdent la maîtrise de la société. Or parmi ces notables il y a beaucoup de juifs. Les fascistes s'aperçoivent qu'en éliminant cette partie de la société, il vont s'assurer le pouvoir. Il font la chasse aux juifs, aux communistes et aux socialistes et enfin à tous les honnêtes gens. Le nazisme s'installe de 1933 à 1945 soit 12 ans. Cela nous pend au nez. Manet2: Les choses sont ainsi et nos besoins en ressources de vie éternelle entraînent une lutte permanente. Manet1: Les 7 milliards d'humains sont des vivants libres ( comme tous les vivants) qui recherchent leurs ressources de vie éternelles. Si nous jetons un coup d'œil sur le réchauffement de la planète: il ne suffit pas qu'un petit nombre de personnes utilisent bien leur poubelle pour que le problème soit résolu: les 7 milliards d'humains doivent le faire. On n'en prend pas le chemin. On obtient ce résultat soit de manière rampante soit par des crises très graves. Dans l'histoire de l'agriculture, il y a eu beaucoup de crises. A une époque nous sommes chasseurs cueilleurs. Par une lente transition – lieux fertiles où l'on revient, plantes que l'on a appris à cultiver – nous devenons agriculteurs. La première agriculture est extensive. Au début, les humains sont mieux nourris, ils se portent mieux mais ils ont plus d'enfants. Et un jour, il y a disette puis famine. C'est le problème d'une partie de l'Afrique d'aujourd'hui: le bien-être relatif est arrivé et au lieu d'avoir 2 enfants, il y en a 10. En conclusion, quand il y a un problème, il y a une crise. La crise dure le temps qu'il faut. On trouve une solution qui porte en son sein ... les ferments de la crise suivante. Et c'est ainsi que nous sommes passé de la pierre taillée à la pierre polie, puis à l'âge du fer et à l'ère industriel. C'est normal au sens scientifique du terme. Nous nous intéressons aux détenus pour deux raisons: nous sommes des JE et avons décidé de le faire et nous ne pouvons pas ne pas le faire à cause de notre histoire personnelle. Par exemple d'autres aussi s'occupent des personnes détenues mais en luttant fermement pour l'augmentation des prisons. Ils répondent aussi à ce problème.

Manet2:
Nous ne connaissons pas la solution.

Manet1:
Oui mais c'est comme la solution du problème indien chez les Américains: on les a éliminé. Par exemple la place des juifs est à Berlin, Paris, Londres et dans tous les états européens. La Palestine n'est pas leur pays. Tous viennent d'Europe et continuent à affluer en Israël au point qu'il faut construire des nouvelles colonies. En France Badinter, Kouchner, Fabius sont à leur place. Nethanyaou pourrait être président de la France. Sa place est en Europe et non au Moyen-Orient.

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Manet2:
On parle de hasard mais le hasard n'englobe pas tout dans notre quotidien. L'humain provoque les situations.

Manet1:
Il nous faut un événement précis qui ne soit pas le résultat du hasard.

Manet2:
Je n'ai pas de réponse mais je suis persuadée que l'humain provoque des situations. Sinon cela signifie qu'il faut se laisser vivre puisque tout est du au hasard.

Manet1:
Cette idée est dérangeante. C'est fondamentalement darwinien.

Manet2:
Allons-y. Nous connaissons une personne ne dit pas qu'elle cède ou non sa place de responsable de groupe. Rien ne se fait jusqu'à ce que quelqu'un décide de prendre la place sans rien demander. Il y a de la part de notre ami une part d'hypocrisie.

Manet1: C'est le hasard. Nous sommes en éthologie et ce que nous disons doit être valable pour tous les vivants.

Manet2: Si des situations ne me conviennent pas et que j'en sorte, c'est également le hasard? On ne discute pas, on ne fait pas marche arrière.

Manet1: Chaque vivant qui fait partie de notre association a besoin de ses ressources de vie éternelles. Donc il agit ou réagit. Selon qu'il trouve ou non ses ressources, il souffrira ou ne souffre pas. Dès qu'il y a souffrance – signe d'un manque – il va essayer de l'annuler. Tout est donc du hasard. En tant qu'êtres sociaux, une partie de notre quête de ressources n'est satisfaite que grâce à notre sociabilité. Il n'y a rien qui ne soit fait sans coopération avec les autres humains. En société, nous sommes plutôt en coopération avec les autres qu'en opposition. Et notre souffrance est provoqué souvent par un grand nombre de JE. Cela ne paraît pas du hasard car nous ne sommes jamais seuls. Cela paraîtrait du hasard si nous étions seuls comme, par exemple, une boule de billard.

 Manet2: Une personne abandonnée par ses enfants peut trouver du réconfort auprès de personnes qui la soignent. Mais la souffrance due à la solitude existe partout au fur et à mesure où l'on avance dans la vieillesse. Dans le passé, c'était différent.

 Manet1: Non, les choses sont toujours les mêmes depuis que les vivants existent. Des romans du début du XIX° siècle racontent l'isolement des villages qui se vident sous l'effet de l'exode vers les grandes villes. Les dernières personnes qui y terminent leur vie ne comprennent pas ce qui leur arrive. Mais, dans les villes, il y a des foules de gens qui provoquent une autre forme de solitude.

Manet2: Bien que l'histoire se répète, bien que rien ne change, il y a de plus en plus de besoins et de souffrances. On en parle alors qu'avant ce n'était pas le cas.

Manet1: Non. Manet2: La génération précédente ne voyait rien ni n'entendait rien. Il n'y avait pas la télévision. On ne voyageait pas comme aujourd'hui. La vision du monde s'arrêtait à la ville la plus proche. Manet1: Deux choses. Quand nous lisons les textes du V° siècle avant Jésus Christ, nous y trouvons des histoires d'amours, de solidarité ou de guerre. Les gens exprimaient leurs souffrances.

Manet2: Ce n'était qu'une petite partie qui était concernée.

Manet1: Comment peut-on affirmer cela?

Manet2: Il y a tellement de personnes qui sont mortes ignorantes.

Manet1: Il faut des preuves et des chiffres sur les 108 milliards.

 Manet2: Même si nous sommes victimes du progrès, il y a des choses qui sont bien faites de nos jours.

Manet1: Dans le passé, également.

 Manet2: Mais les gens subissaient un grand nombre d'interdits. Ils n'étaient pas demandeurs comme nous le sommes.

Manet1: C'est un raisonnement égocentrique. Regardons le chat. Il n'a pas de voiture. Allons dans la savane à la rencontre des éléphants, des tigres ou des lions. Ils n'ont "besoin de rien". Ils sont beaux c'est-à-dire en équilibre avec la nature. Le mot équilibre est plus juste que le mot bonheur. Quand nous voyons un corps où il n'y a aucune blessure ou aucune souffrance quand nous regardons les antilopes frétillantes de santé, c'est la preuve de cet équilibre.

Manet2: On en demande beaucoup à l'être humain.

Manet1: Qui est ce « on »?

Manet2: Le lion qu'il ait 10 ou 40 ans, on ne voit aucune différence et il y a beaucoup de laideur chez les humains.

Manet1: Quand nous analysons la société des lions, c'est bien plus complexe que nous ne le pensons. Quand nous parlions il y a un instant des antilopes, c'est comme si nous parlions de l'élection de Miss France. Mais toutes les antilopes ne sont pas des Miss Antilope. Et il y a des lions qui ne trouvent pas leur nourriture et qui se trainent des dégaines de clochards.

Manet2: Voilà, si nous ne sommes pas dans les normes ou le moule, on n'en parle pas. Miss Antilope, le lion ou le tigre dont nous avons parlé plus haut sont dans le moule.

Manet1: Nous disions qu'aujourd'hui il y avait plein de biens et que c'était mieux qu'hier. Il y a des films qui décrivent la vie en Afrique dans des endroits encore préservés du poids du modèle européen comme le Congo qui périclite. Il y a des petites sociétés agricoles qui sont en harmonie avec leur environnement: les femmes et les hommes sont équilibrées, « bien dans leur peau » voire « heureux ». Supposons que les annonces pessimistes sur la pollution et l'effet de serres entraînent une catastrophe en Europe, ce sont peut-être ces peuples-là qui prendrons la relève d'autant plus que leurs besoins en ressources de vie éternelle seront bien mieux adaptés à l'environnement du moment. Les 7 milliards d'humains sont en train d'éreinter certains secteurs de la Terre. Reprenons notre exemple des homards. Au XIX° siècle, il y en avait tellement que l'on s'en servait comme calcaire pour l'agriculture. Aujourd'hui sa rareté en fait un produit de luxe. Le prix du thon rouge a explosé. Il y a une norme européenne qui demande à ce qu'on augmente l'espace de vie des truies. Elles vivent dans 2 ou 3 m². L'INRA a fait des modifications génétiques pour augmenter leurs tétines. Il va y avoir une catastrophe.

Manet2: On laisse faire tout cela.

Manet1: « On » c'est-à-dire nous deux également car nous achetons le jambon produit par ces truies. Il faudrait passer avant de consommer le foie gras de Nouvel An le film sur la gavage cruel des canards et des oies. Qu'on mange ma sœur l'oie ou mon frère le canard, c'est la règle chez les animaux qui se mangent une espèce l'autre mais faut-il les faire souffrir à ce point?


Manet2: Nous rencontrons des gens qui abonderons dans ce sens mais qui n'en penseront pas moins et continuerons comme avant. Nous acceptons tout car à la fin il y a l'argent.

Manet1: Pas d'accord: ce qui entre en ligne de compte ce n'est pas l'argent mais les ressources de vie éternelles. Voilà pour la première réponse: "aujourd'hui mieux qu'hier", non, car les antilopes, le chat ou les lions n'ont pas besoin de ce que nous avons aujourd'hui pour être équilibrés. Passons maintenant à l'analyse du « on ». Nous commençons à entrevoir que l'on passe toujours d'une situation équilibrée à une crise qui peu à peu voit naître une nouvelle situation équilibrée et ceci indéfiniment. Aujourd'hui nous sommes de nouveau en route vers une crise. Son origine est notre grand succès: 1 milliard d'humains en 1800, 2 en 1929 et depuis 1 milliard tous les 15 ans. Nous éreintons la nature parce que nous en avons besoin. Cela se passe avec d'autres animaux. Ils occupent un espace puis l'épuisent et s'en vont en chercher un autre. Malheureusement pour nous l'espace que nous sommes en train d'épuiser, c'est la Terre – les secteurs de la Terre convenant aux humains. Et ce n'est pas fini: dans quelques années les Chinois et les Indiens auront deux voitures par foyer comme nous. Ils auront un logement par foyer. Nous en sommes encore au début de l'éreintement et donc de la crise. Toujours plus de métal, de pétrole et de toutes les matières premières existantes. Les enfants ne meurent plus, les humains vivent de plus en plus longtemps.

Manet2: C'est cela le bonheur. Avoir sa maison.

Manet1: Un bonheur qui prépare la fin du monde humain.

Manet2: Peut-être. Ce n'est pas mieux qu'avant mais nous avons le choix.

Manet1: Eh bien non: avant ce n'était pas pire qu'aujourd'hui.

Manet2: Pour l'époque, ce n'était pas pire qu'aujourd'hui. Comment comparer si nous ne savons pas comment c'était avant?
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Mise au point Tu as toujours dit que l'intellectuel comptait énormément. Tu as dit également que tu voulais savoir d'où l'on venait pour comprendre où l'on est aujourd'hui. Sans intellectuels, nous ne sommes rien. Manet1: Goebbels était aussi un intellectuel. Manet2: Tu es un intellectuel. Manet1: Toi aussi. Manet2: Non. Manet1: Le mot intellectuel est un mot fourre-tout. Dans la société médiéval, il y a des gens qui parlent au peuple: les prêtres. La société s'est laïcisé. Il y a encore des prêtres mais il y a des philosophes, des sociologues, des ethnologues, des psychologues, etc. L'intellectuel porteur de message a remplacé le prêtre. Pour être prêtre, il fallait faire des études, obtenir un diplôme et être ordonné. Dans notre société, il y a des docteurs, des écrivains, et beaucoup d'autres gens qui parlent et comme on ne sait pas les classer, on leur donne le titre d'intellectuel. Mais ce mot n'a pas de consistance. Manet2: Mais c'est un beau terme car on y trouve de l'intelligence. Manet1: Restons précis: il vaut mieux dire voilà un docteur en philosophie, un ethnologue mais évitons le terme d'intellectuel. Manet2: Ce que je reproche aux intellectuels c'est qu'ils ne croient qu'en eux. Ils pensent pour les autres. On se réfère à eux. Manet1: Faisons un point. Pourquoi sommes-nous en train de discuter? Manet2: Si j'étais comme toi, nous ne serions pas ici tous les deux. Nous aurions le même discours. Nous serions égaux et au bout de trois entretiens nous ne nous supporterions plus. Personne n'abonderait dans le sens de l'autre. Manet1: Nous menons une discussion entre deux amis. Par analogie, cela pourrait être une discussion entre un chinois et un polonais et chacun essaierait d'expliquer à l'autre ce qu'il fait, pense et ressent. Dès que l'intérêt de la conversation aurait baissé pour l'un des deux, il faudrait arrêter. L'objectif est que nous avancions chacun de notre côté sans que l'un passe dans le camp de l'autre. Manet2: C'est quand même toi qui a la matière. Manet1: Oui mais nous ne continuons à discuter que si tu y trouves ton compte. Et de telle manière que cela aurait pu être – théoriquement – intervertissable. Tu poses des questions et tu te dis « si je discutes avec lui, cela va me faire avancer ». Même si c'est moi qui écrit le blog et pose le cadre général, il faudrait pouvoir envisager une action symétrique. En fait j'ai besoin des ces entretiens. Il faudrait que tu en aies besoin également. Manet2: Pourquoi suis-je là? Quel travail pourrions-nous faire si ce n'était pas comme ça? Manet1: Donc nous sommes à égalité. Manet2: Si j'étais en face de moi, nous resterions sur nos acquis et notre petit monde et on s'arrêterait rapidement. Manet1: Exit l'intellectuel. Il est vrai que ces entretiens visent à nous mettre dans la communauté des gens qui réfléchissent sur l'éthologie terrestre mais un peu comme – soyons démagogiques – un ébéniste crée son armoire avec plaisir et en gagnant sa vie ou comme un agriculteur cultive son champs avec plaisir et souhait de gagner sa vie même s'il en souffre aussi. Mais où allons-nous. Nous travaillons sur un discours que l'on pourrait appeler post-chrétien. Or parmi les milieux de pensée qui existent autour de nous, il n'y en a aucun qui me convient. Si je remonte dans le passé, j'étais parti dans une démarche hyper-démocratique et hyper-matérialiste – pour utiliser les termes de l'époque. L'hyper démocratie est réalisée car tous les vivants animaux et végétaux sont des JE et tous frères entre eux. Et l'hyper matérialisme se retrouve dans le principe que tout est le résultat du hasard. Manet2: Je refuse le matérialisme. Manet1: Moi aussi. Il n'est plus question de matérialisme mais d'éthologie terrestre. Le mot matérialisme a été inventé par opposition à spiritualisme. Or on ne peut séparer l'un de l'autre. Je ne suis ni anti jésuite, ni anti catholique ni anti PS ni anti UMP. Tout cela fait partie des humains. Manet2: Je préfère cette position. A propos de l'hyper démocratie, nous ne sommes pas en HLM mais dans une maison confortable. Cela n'est pas du au hasard! Fin de la mise au point 
 
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 Manet1: Nous avançons. A propos des riches, voici la parabole du lion:

Le lion est plus fort que l’homme seul et nu. Le lion est vaincu lorsqu'un certain nombre d’hommes mettent leur intelligence et leur force en commun soit sous forme d’hommes nus en nombre suffisant soit sous forme d’entraide technologique à savoir d’un bon fusil à fauves, d’un 4X4 approprié pour les déplacements en savane, etc… Mais catastrophe ! Nous, humains, chassions le lion. Nous venons de le tuer quand soudain je me retourne vers mon voisin et à ma grande stupeur je vois que sa tête d’humain a été remplacé par une tête de lion qui m’observe de manière menaçante. Comment expliquer cela ? C’est la loi scientifique de la conservation de la matière. Reprenons une formule du lycée : NaCl + H²O = NaOH + HCl ( sel plus eau = soude plus dégagement de chlore). Rien ne se crée, rien ne se perd et tout se transforme. Nous avons tué le lion mais sa force nous a transformé : elle nous a rendu plus fort vis-à-vis des autres vivants mais également, chez les hommes, les uns vis-à-vis des autres. 
 
La morale de cette parabole est la suivante. Grâce à la sociabilité nous sommes plus forts que les grands prédateurs encore existants. Nous avons intériorisé cette force et elle se manifeste entre nous. En conclusion, il y aura toujours chez les humains des représentants beaucoup plus puissants que d'autres. C'est le prix à payer à notre succès. Chez les abeilles, il y a un grand égalitarisme mais chez les fourmis Atta , l'ouvrière n'est pas plus grande que la pince du soldat qui protège le nid alors qu'ils sont de la même espèce! Si nous sommes dominants, c'est parce que nous avons trouvé la solution pour le devenir.
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 Manet2: Les humains l'ont trouvé. On invente quand même, on se bat pour quelque chose. On va vers le mieux.

Manet1: Une espèce, ce sont des vivants qui ont des attributs communs. De même que chaque vivant a besoin de ses ressources de vie éternelle, ces ressources sont confortés à travers l'espèce et grâce à l'ADN et à la sélection naturelle - papillon blanc sur arbre blanc vit et papillon blanc sur arbre sombre est dévoré-. Pour les humains, c'est la même chose. A un moment, les humains rencontrent un problème, vont-ils vivre ou disparaitre? Ils vivent. Cela se répètent des milliers de fois et à chaque fois c'est le hasard: l'agriculture, le couple monogamique éternel, la sociabilité, la main, la pierre taillée, le satellite, la voiture Renault... Mais, peut-être que ce soir il n'y aura plus d'humains ou dans 1000 ans.


Manet2: Ce sont des avancées.


Manet1: Non: il y a un problème et il y a ou il n'y a pas de solution.

Manet2: L'évolution crée des changements.


Manet1: Elle crée des réponses.

Manet2: Dans le temps, nous n'avions rien et nous étions heureux.

Manet1: Oui, il n'y avait pas de voiture Renault.

Manet2: On se contentait de peu.

Manet1: C'est une vision rétrospective. Aujourd'hui, nous ne savons pas à quel point nous sommes misérables par rapport aux humains dans mille ans: ils appuieront sur une partie de leur crâne et dans l'instant ils passeront de Maubeuge à Pékin alors qu'il faut 10 minutes pour aller chez le boulanger! Que nous importe les gens dans mille ans?

Manet2: Les humains dans le passé vivaient avec leur besoin et étaient heureux!

Manet1: Comme nous pouvons l'être.

Manet2: A propos du matérialisme et et de la démocratie ...

Manet1: L'hyper démocratie, c'était pas être en rupture avec le milieu pauvre dont on était issu. Cela n'a pas été tenu. Il faut revenir à la parabole du lion et rappeler ce que c'est qu'un humain sociable. Un humain seul face à un lion est perdu. Mais 100 humains sont vainqueurs du lion. Il y a 50 000 avec des pierres polies, 10 000 ans avec des flèches ou aujourd'hui où l'on voit Tartarin aller chez le marchand d'armes, lui acheter une arme du dernier cri et tuer le lion sans crainte ni fatigue. On a toujours tendance à dire que les animaux sont cruels: le lion dévore le pauvre berger africain, la meute de loups fonce derrière la troïka et avalent père, mère, enfants, cocher et chevaux. Nous oublions notre cruauté: tous les jours nous tuons les cochons, les vaches, les poules. Quelle quantité de sang avons-nous sur nos mains! Comme nous sommes les plus forts, nous sommes aussi les plus cruels des animaux. Plus cruels grâce à notre sociabilité et grâce à notre organisation. En 1805, Jefferson demande à l'expédition Clark de découvrir les côtes du Pacifique. Ce ne sont pas de gentils membres avec sacs à dos mais un détachement militaire avec deux capitaines, des sergents et des soldats. A chaque grande difficulté, le capitaine décide, les sergents transmettent et les soldats exécutent. Si c'étaient de bons amis, ils n'iraient pas loin. S'il y a des « riches » c'est parce que la société est organisée. Dans toute sociétés, il y a des ouvriers et des employés, des contremaitres et des cadres, des cadres supérieurs, des dirigeants et les très grands chefs comme le président de la République. C'est une hiérarchie solide. Essayons de donner une gifle au président: avant que nous n'ayons levé la main, nous sommes en prison.

 Manet2: Comment être tous égaux? Il y a beaucoup de gens qui souffrent et des pauvres . On ne va pas se mettre à leur niveau sous prétexte que nous avons de la chance et pas eux. Il y a plus riche que nous. Mais plus on a de l'argent plus on fait marcher l'économie. Tout n'est pas négatif.

Manet1: Première idée: tout est du au hasard. Deuxième idée: la richesse est due à notre organisation. A l'intérieur nous sommes tous, les mêmes humains. On ne peut aller remplacer Mme Chirac ou Nicolas Sarkozy mais là, où ils sont, ce sont les mêmes humains que là où nous, nous sommes. Ce qui fait la différence, c'est l'organisation de la société mais non nos corps physiques et mentaux. Nous avons autant de synapses et de neurones. En éthologie terrestre, tous les humains sont interchangeables: les SDF sont ici, N. Sarkozy est là un peu comme des chênes où l'un vit sur une vaste plaine et l'autre, rabougri, lutte chaque jour pour sa survie sur un a-pic de montagne.

Manet2: Et ce monde là ne changera pas.

Manet1: le monde vivant n'existe pas, il n'y a que des vivants. Ne nous occupons pas du monde. Vas-tu souffrir ou non?

Manet2: Qu'appelle-t-on souffrance?

Manet1: Tu sais ce qu'est la souffrance. Dans l'évolution des humains, il y a des crises et des phases d'équilibre où il n'y a pas trop de pauvres, ni trop de riches et un peu moins de souffrance. Puis arrivent des déphasages, des guerres externes ou civiles, et à cette occasion, des gens vont désigner des coupables qu'il faudra retirer de la circulation. Et on voit alors des révolutions des pauvres contre les riches. Mais aussi contre les romanichels, les juifs, etc.

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