jeudi 22 juillet 2010

20° entretien

20° entretien
Manet2 et Manet1
22 juillet 2010


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Paris Match 7 juillet 2010
En Asie du Sud, la dot fait l’objet d’un racket grandissant de la part de la famille du mari qui réclame des rallonges. Mettre le feu à sa femme, la défigurer à l’acide pour pouvoir la répudier..., des « accidents domestiques » qui restent quasiment impunis.
Par Marine Dumeurger - Paris Match
Elle était mariée depuis peu. Yasmin ( Pakistan ? 180 808 000 habitants) est morte à l’hôpital, brûlée vive par son mari après avoir été aspergée de kérosène. Ses parents avaient refusé de verser les 50 000 roupies (858 euros) exigées par sa belle-famille. L’affaire occupe quelques lignes dans la rubrique faits divers d’un quotidien indien, avant de sombrer dans l’oubli comme tant d’autres. Combien sont-elles, chaque jour, en Inde, à perdre la vie ou à la finir meurtries pour une dot ? Les chiffres sont difficiles à avancer. Dans l’univers clos d’une maison, à l’abri des regards, ces meurtres sont souvent déguisés en accidents ou en suicides et classés sans plus d’investigations « décès non naturel » par la police.
Il y a trois ans, Bhyravi ( Inde ? 1 156 897 766 habitants )est morte dans les mêmes conditions. Son père, Parvaty est venu raconter son histoire, sa colère toujours trop forte, sa douleur qui refuse de se taire. Sur la table, il a étalé ses souvenirs, quelques bribes d’une vie : des photos de Bhyravi, enfant, jeune femme, le jour de son mariage dans son sari rouge et doré. « Elle avait 20 ans quand elle est tombée amoureuse et s’est mariée. Cela s’est passé très vite. J’étais tellement content qu’elle ait trouvé quelqu’un qui lui convienne. Nous avons arrangé l’union et convenu d’une dot de 30 000 roupies (514 euros). » Parvaty travaille dans un cinéma, touche environ 4 000 roupies par mois (68 euros) et doit alors nourrir ses quatre enfants. Le père de famille baisse les yeux sur les photos de sa fille et reprend doucement : « La première année, tout allait très bien. Puis Bhyravi a accouché de son premier enfant, une petite fille. Les problèmes ont commencé. La belle-famille m’a demandé 50 000 roupies. J’ai dû vendre des terres, m’endetter. Ils voulaient toujours plus. Ils se sont mis à la battre, à la brûler avec des cigarettes. » Jusqu’au matin où, aspergée de kérosène, elle est brûlée vive. Bhyravi décède trois jours plus tard. Son meurtre est maquillé en accident de cuisine par sa belle-famille. Les recherches ne vont pas plus loin.
Chaque année, le gouvernement indien déclare 8 000 crimes pour dot. Mais dans ces circonstances, comment faire confiance aux statistiques officielles ? Les associations dénoncent un chiffre trois fois plus élevé ( 24 000 ) et en constante augmentation. Publiée fin 2009, une enquête du journal médical britannique « The Lancet » laisse présager le pire. En 2001, 163 000 personnes ont péri dans les flammes. Les deux tiers ( 110 000 ) étaient des femmes. Accidents, suicides ou meurtres, c’est la première cause de mortalité en ville chez les 15-34 ans. Donna Fernandes, de l’association Vimochana (libération), milite contre la pratique de la dot depuis trente ans. A 58 ans, toujours débordée, elle se révolte encore. Ses mains s’agitent, son corps tressaille et son regard profondément inquiet s’insurge : « Avant, ce n’était pas si difficile. En 1997, à Bangalore ( Inde ), nous recensions un cas quotidien. Aujourd’hui, nous en comptons trois. »...
Retrouvez le reportage de Marine Dumeurger en Inde et au Pakistan dans Paris Match, semaine du 1er au 7 juillet et sur iPad .
actu-match | Lundi 5 Juillet 2010

Marine Dumeurger
Une maîtrise d’histoire contemporaine, l’ESJ Lille puis deux années à la Voix du Nord de Boulogne-sur-Mer et je m’installe à Paris en 2008. Je deviens journaliste pigiste.
Depuis, j’ai travaillé pour plusieurs titres sur des sujets de société : – Libération (participation aux suppléments Jeunes diplômés et aux pages Voyage sur des thèmes divers: la tradition orale dans les Combrailles, les derniers cimetières de bateaux bretons, une communauté de Vieux-croyants en Roumanie ou le quotidien d’un village lacustre cambodgien…) – Le Monde (écriture pour la rubrique culture: l’ouverture au tourisme d’anciennes bases militaires soviétiques dans les pays baltes, la mode des concerts au casque) – Historia (enquête sur le pillage archéologique, aujourd’hui, en France) Et pour d’autres journaux : Géo Ado, Le Temps, La Vie, Routard.com, Prima…


- le reportage
- Larguer les amarres




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Manet2:
Quand nous avons évoqués ce problème, Manet1 avait dit que ce n'était pas le problème dominant du pays. Oui, mais il disait également que la religion faisait un retour en force. Dans cette histoire, cela prend des proportions inquiétantes.

Manet1:
Il y a cent ans, c'était pire. Et plus encore avant cela. Aujourd'hui, nous allons vers la normalisation. L'Inde est un pays à castes.
Nous, Européens sommes 750 millions et eux dépassent le milliard.
Par ailleurs, on constate que l'étrangeté et donc les différences culturelles sont liées à la distance physique: plus un pays est éloigné d'un autre, plus il paraît incompréhensible.
Parlons du mariage musulman. Ce qui est étonnant c'est à quel point la manière dont les hommes et les femmes divergent. L'homme dirige tout et possède tout. Cependant cette société fonctionne depuis des milliers d'années donc elle a trouvé son équilibre interne. Les familles ont beaucoup d'enfants. Le modèle est efficace.

Manet2:
Aujourd'hui, tout le monde est informé. Dans le passé, on ne l'était pas.

Manet1:
Les choses ont bien évolué depuis cinquante ans. Jusqu'en 1989, les Occidentaux ont vécu selon un modèle capitaliste ou un modèle communiste. Le modèle communiste luttait contre une société trop inégalitaire. Au XIX° siècle, ne votaient que les gens qui payaient beaucoup d'impôts et les pauvres n'avaient rien à dire si ce n'est de souffrir en silence. Le communisme qui devait changer tout cela s'est avéré aussi cruel que le capitalisme et il était très mauvais gestionnaire. Il s'est effondré comme en URSS ou a complétement fusionné avec le capitalisme comme en Chine. Les gens qui sont dans le malheurs de nos jours – les SDF, les boat peoples, les affamés – n'ont plus aucune pensée à laquelle se référer pour être reconnus comme des citoyens à part entière et pour espérer s'en sortir. Il y a quelques millions de RMIstes, mais ce revenu ne permet que de survivre et transforme les gens en citoyens de seconde zone. Ils ne savent plus ce que c'est que le travail ou l'égalité avec les autres.

Les traditions anciennes réapparaissent parce que tous les systèmes en place sont considérés comme injustes et les gens se retournent vers un passé mythique où il semblait – on le leur dit à travers la propagande religieuse – que la vie était plus juste et meilleure.

Le roman de Alaa El Aswany « L'immeuble Yacoubian » est très évocateur du désespoir engendré par le socialisme puis le capitalisme en Égypte et qui peu à peu amène les gens les plus révoltés à se tourner vers l'intégrisme religieux. A l'époque de Nasser, un bon candidat à l'école des officiers de police est rejeté parce que son père est concierge et à l'époque de Moubarak, un maffieux de la drogue paye une fortune pour être élu député sur la liste des « travailleurs ».

Il y a un désenchantement de la population vis à vis du modèle occidental qui se confond avec le modèle capitaliste.

Reprenons un autre exemple, celui de l'Iran. En 1950, les Occidentaux renverse le Premier ministre Mossadegh qui voulait nationaliser l'industrie pétrolière. A la place, on a mis le Shah qui n'a cessé de moderniser dans la prévarication et la répression policière au point que Imam Khomeiny est arrivé en libérateur. Or ce sont des intégristes qui répriment la population autant sinon plus qu'au temps du Shah sur d'autres critères, bien sûr.

L'Inde ne se trouve pas dans une problématique de type iranien. C'est un état plus grand et plus ouvert. Certains indiens comme Lakshmi Mittal dirigent des entreprises mondiales. Mais il y a des zones où des traditionalistes résistent et ils s'attaquent aux femmes et à leur manière de vivre.

Manet2:
Il n'y a que les femmes qui sont réprimées et elles se retrouvent seules à se révolter. Elles ont des informations venant d'Occident et elles souhaitent vivre comme dans ces pays.

Manet1:
Pas tout à fait. Dans le passé, il y a eu la mode de l'occidentalisation. Et aujourd'hui, il y a un retour en arrière. Ces femmes brûlées c'est la manifestation en Inde d'un intégrisme qui existe en Égypte ou en Iran. Comme le modèle européen est rejeté, tous ceux que le modèle européen avait condamné au silence, se réveillent et passent à l'attaque. En Algérie, le français était langue des élites, et aujourd'hui il est rejeté comme la France.
Il est impossible de vaincre l'Europe car sa puissance est basée sur l'argent. L'européen partout où il se présente sort ses dollars ou ses euros et il achète tout ce qu'il veut et il peut expulser n'importe qui de chez lui.

Tous ceux qui avaient été repoussé sous l'influence de l'occidentalisation - les superstitieux, les religieux et les traditionalistes – refont surface et imposent l'ancien modèle.

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Manet2:
C'est démentiel: on demande de l'argent de la dot complémentaire à des gens qui n'ont pas d'argent.

Manet1:
Ce qui est dramatique c'est que le système ancien auquel on veut revenir n'est pas meilleur. Il est passé par la société de consommation. Les gens en veulent toujours plus. Il va remettre au goût du jour des traditions du passé: retour de la femme sous la tutelle du mari et, par dessus le marché, on va brûler celles qui ne peuvent payer leur dot: dans le passé, on en brûlait très peu car il y avait une régulation et une sagesse qui empêchait d'aller trop loin et cela n'arrivait que dans des cas extrêmes. Aujourd'hui, on est très dur car les femmes sont devenues libres et il faut les ramener coûte que coûte dans les règles anciennes.

Manet2:
La femme est brûlée non parce qu'elle prend plus de liberté mais parce que sa famille ne peut payer la dot additionnelle.

Manet1:
En effet, les traditionalistes de nos jours puisent des éléments dans le passé mais ils sont complètement en phase avec la volonté d'enrichissement qui règne maintenant. Dans le passé, on ne demandait pas tant d'argent. De nos jours, il y a des gens immensément riches, tout le monde les envie et veut les égaler. Si la famille est riche, elle paye, sinon la femme est brûlée.

Manet2:
Il y a des choses inacceptables.

Manet1:
Acceptables ou pas, notre travail est de démonter un système éthologique. Si Manet2 et Manet1 vivaient dans ce pays, ils fonctionneraient de cette manière. Ils seraient soit du côté des brûleurs soit du côté des brûlés. N'oublions pas qu'il y a un milliard d'Indiens, que le gouvernement fait des lois très dures contre les agissements traditionalistes mais qu'il ne parvient pas à s'imposer face à des communautés très soudées. La police ne peut que reculer dans des quartiers qui sont ligués contre elle.

Manet2:
Dans le passé brûlait-on aussi facilement?

Manet1:
On a connu dans nos contrées la condamnation des sorcières à être brûlées vives.
( note : les sorcières de Salem - On profitait de l'ambiguïté pour condamner une innocente.)
Dans l'affaire d'Outreau, il y avait des innocents dont François Mourmand qui a perdu son équilibre psychologique en prison face à l'injustice qui lui était faite. On l'a mis sous camisole chimique et il en est mort. La justice a été poursuivi pour homicide involontaire qui s'est terminé par un non lieu. François Mourmand était innocent. Il a perdu la tête: cela a été sa manière de vivre l'injustice. Personne n'est responsable de cette injustice?

Manet2:
Les médias font mal leur travail.

Manet1:
Elles n'y sont pour rien. Elles sont à la périphérie. Une personne est condamnée injustement en 2002. Elle meurt sous les coups de la camisole chimique qu'on lui a imposé. En 2009, son innocence éclate. Lors du procès contre la justice, on aboutit à un non-lieu. Les média y sont pour rien. C'est la prison qui l'a tué. C'est d'autant plus grave que le directeur de l'Administration Pénitentiaire actuel est l'ancien procureur de la Cour d'Appel de Douai qui devait garantir la bonne exécution de l'affaire d'Outreau et superviser le travail du juge Burgaud.

On voit donc comment fonctionne une injustice. Il faudrait que quelqu'un présente ses excuses à la famille de François Mourmand.

Revenons au plan éthologique. Nous avons dit plus haut que la distance physique entre deux cultures détermine le niveau d'étrangeté l'une par rapport à l'autre.

Chez nous, il y eut une époque où l'homme était seul à subvenir aux revenus de la famille. Si la femme commettait une erreur définitive, elle était répudiée et perdait tous ses biens. Nous sommes habitués à cette idée et nous la trouvons normale. Faisons quelques milliers de kilomètres, entrons dans un pays musulman, si la femme commet un adultère, elle est lapidée.

A l'époque où les Européens étaient sur un piédestal, les musulmanes se dévoilaient. Maintenant le modèle européen est de plus en plus honni, revient tout ce qui avait été repoussé.

Il y a trente ans, on aurait pu croire que tous les pays du monde allait s'européaniser: égalité homme et femme, parlementarisme, etc... 100 000 soldats américains ont débarqué en Irak: les vaincus se terrent en espérant la défaite de ces soldats. Les pro-européens commencent à avoir honte de leur soutien face aux intégristes.

Manet2:
Les 100 000 américains auraient pu faire un bon travail.

Manet1:
Non, un soldat ne sait que tirer le premier. On ne change pas un pays avec des armes indépendamment du message apporté. C'est écrit dans l'évangile: "celui qui combat avec le sabre périt par le sabre". Hitler a passé 5 ans en France et il est reparti.

Manet2:
C'est l'histoire des humains!

Manet1:
Nous sommes en éthologie où une espèce de vivants, quelle qu'elle soit, règle ses problèmes de ressources: se nourrir, se protéger etc. et avoir des descendants. Il y a le modèle européen et le modèle musulman qui a également fait ses preuves. Les Européens pensaient imposer leur modèle au monde entier. Ce n'est pas perdu. Les Chinois, malgré une cruauté certaine, ont adopté le même modèle. Les Indiens également. Tous ceux-là réunis représentent la majorité des humains. En Chine, si l'on réclame trop ses droits on peut se retrouver dans une prison secrète qui échappe à la justice. Mais ce n'est pas de l'intégrisme et on peut espérer que les institutions identiques à celles qui existent en Europe finiront par l'emporter. Les prisons secrètes sont officiellement interdites. En Afrique du Sud, la démocratie est venue à bout de l'apartheid et ce sont les Noirs majoritaires qui dirigent maintenant le pays. Mais un modèle théocratique ne peut être modifié et ne peut évoluer vers la démocratie car pour ses partisans la loi vient de Dieu et les humains n'ont rien à dire.

Manet2:
Il n'y a pas que la dot pour le mariage qui pose problème. Si au bout de 20 ans de mariage, le mari souhaite un écran plat, la femme doit l'acheter même si elle n'a pas d'argent.

Manet1:
L'article ne dit pas comment cela se faisait dans le passé. Car on peut faire l'hypothèse que les abus sont apparus de nos jours. Dans le passé, il devait y avoir une certaine retenue et une certaine sagesse qui tenaient compte de la capacité de la famille de la femme à financer un nouveau besoin. Dans la vie des anciens, malgré les traditions, il y avait une modération.

Manet2:
Jusqu'à il y a peu, tous les enfants d'une famille n'avaient pas le droit de se marier.

Manet1:
C'était une règle du jeu qui était acceptée. C'était peut-être une bonne solution. Comme tout le monde se marie, il y a des catastrophes.

Manet2:
A l'époque du droit d'aînesse, tout dépendait si l'aîné était intelligent ou pas. Du côté paternel, il n' a que la mère de mon père qui s'est mariée et ce sur les conseil d'un curé. Les autres ne se sont pas mariés ou bien après 50 ans car leurs parents n'étaient plus là pour s'y opposer.

Manet1:
A notre époque existent la Sécurité Sociale, les impôts, les écoles, les collectivités locales, etc... Si une personne âgée pose problème, il y a une solution. Dans le passé, il n'y aucune protection sociale, les enfants gardent leurs parents à la maison. Il y a diverses situations: des pères tiennent l'argent jusqu'à leur dernier soupir ou ils se font déposséder de tout bien et se retrouvent misérables. Il y a encore deux régimes de vie de couples en France: celui de l'égalité des membres du couple et celui de l'inégalité en général au profit de l'homme. Dans le passé, l'homme était le chef incontesté. C'était aberrant mais il y a eu de belles familles avec de beaux enfants, des familles réussies et des pays puissants pendant que la population mondiale continuait à croître.

Manet2:
La vie, c'est une école, on revoit le passé, on évolue, on corrige. Mais si tout le monde était correct, nous manquerions de place.

Manet1:
C'est un problème d'éthologie. On rencontre assez souvent la situation suivante: il y a une ressource pour un seul vivant et deux se présentent. Il y a donc lutte à mort car si la ressource est partagée, les deux vivants disparaissent.

Manet2:
Les vivants ne vivent pas seulement pour souffrir! Si tout le monde allait à l'école et si tout le monde avait une situation, le Terre ne serait plus assez grande. Il n'y aurait pas de travail pour tout le monde.

Manet1:
Ce n'est pas une situation future, c'est ce que les humains vivent toujours au présent. Ils sont en permanence en concurrence très forte les uns avec les autres.
Pour l'éthologie, tous les homos sapiens sortent d'Afrique il y a 100 à 200 000 ans. Certains se sont dirigé vers l'Europe, d'autres vers l'Asie et ceux-ci 25 000 ans avant aujourd'hui traversent le détroit de Béring pour s'installer en Amérique du Nord puis en Amérique du Sud jusqu'à la Terre de Feu. Selon la région où ils vont s'installer, ils seront prospères car « le lait et le miel y coulent en abondance » ou misérables comme ces Fuégiens que Darwin à découvert près d'Ushuaïa ou pauvres comme les Tibétains sur les sommets de l'Himalaya. Ce n'est pas parce qu'ils se trouvent dans des mauvaises conditions qu'ils disparaissent ou qu'ils ne deviendront pas un jour plus puissants ou à l'inverse, qu'après avoir connu une grande prospérité, ils ne disparaissent sans laisser de trace. En Chine, ils inventent l'écriture chinoise, en Europe, l'écriture latine, ailleurs, l'écriture des Hindous. Mais ce qui est le plus important, partout où ils se trouvent, ils créent des systèmes sociaux. En 2010, c'est le modèle européen qui l'emporte. Qui dit qu'en 2300, ce ne sera pas le modèle musulman qui dominera?

Manet2:
Non parce que c'est le mal!

Manet1:
Cela n'a rien à voir avec l'éthologie: le mal au sens moral chez l'humain n'a pas cours. En éthologie ce qui compte c'est ceci: il y a un problème et il est ou n'est pas résolu. S'il n'est pas résolu, l'humain disparaît. S'il est résolu, les humains continuent à vivre. Comme pour les cigales et tous les vivants de la Terre. S'il est résolu, il y a des enfants et des ressources et à la génération suivante, de même jusqu'à l'apparition d'un nouveau problème. S'il n'est pas résolu, on en a un exemple avec ce que l'on appelle l'exode rural en France. Au XIX° siècle, l'essentiel des forces vives ont quitté l'Auvergne ou la Bretagne pour « monter » à Paris. Dans les villages, les vieux voyaient la population diminuer et eux seuls restaient pour s'enterrer mutuellement jusqu'au dernier qui restait seul. Le mal n'existe pas: il y a un problème – les ressources de l'Auvergne s'avéraient insuffisantes en fonction de la situation du moment – et les jeunes émigraient car ils en avaient la possibilité.

Manet2:
Il ne faut donc plus parler de mal mais de situations cruelles.
En Chine, on met des grains de riz dans la gorge du bébé fille pour qu'il s'étouffe. On accepte cela comme une histoire de chien écrasé! C'est cruel cela.

Manet1:
Si nous étions chinois, nous ferions cela normalement.

Manet2:
La société nous l'imposerait.

Manet1:
Cela s'imposerait tout seul.

Manet2:
Cette normalité est la même que celle de l'enfant du 19° entretien qui n'est pas triste que ses parents soient morts dans un accident de la route car il croie à la réincarnation, il est persuadé qu'ils sont de nouveau vivants, ailleurs.

Manet1:
Nous avons assisté à l'enterrement de Henri, la semaine dernière. L'église était bondée. Il est presque certain que les deux tiers des gens qui représentent les catholiques étaient persuadés qu'il était maintenant quelque part au ciel. Et ils en étaient soulagés.
Ce n'est pas la vision de l'éthologie pour laquelle tous les vivants meurent après avoir donné la vie à de nouveaux vivants.

Manet2:
On ne se libère pas aussi facilement de l'éducation que l'on a eu. Cela ne se fait pas en claquant des doigts.

Manet1:
Il faut en revenir au cerveau et à la manière dont il se forme. L'enfant enregistre de nouvelles informations à raison de 2 millions de connexions à la minute. Puis cela s'atténue fortement et l'on ne revient plus en arrière. La marque est indélébile. Plus on est âgé, plus on est rigide. Il est bon que le vieux vivant meurt car il n'a aucune souplesse pour enregistrer et s'adapter à des situations nouvelles seules garanties d'une évolution réussie.

Manet2:
Il n'empêche. On peut faire une marche arrière et se dire que l'on a été trompé, qu'il y avait un doute, que l'on a cru à une chose qui s'avère fausse tout en gardant le respect pour ceux qui m'y ont fait croire.

Manet1:
Cela a peu d'effet.

Manet2:
Mais on change de comportement et on pense différemment.

Manet1:
Mais Manet2 a fait de 20 à 45 ans des actes structurants et elle a donné naissance et force de vie à trois enfants. Eux sont dorénavant des piliers vivants et il est impossible de faire qu'ils n'existent pas et qu'ils n'agissent pas de manière déterminée.

Manet2:
Oui Manet2 a donné et elle existe également. On ne peut pas dire que l'on a eu une certaine éducation qui a entraîné telles conséquences.

Manet1:
Quand on dit que là-bas ils brulent les femmes et pas ici on pourrait penser qu'on se meut à l'intérieur d'un hyper relativisme et on laissera les Hindous bruler les femmes, les Iraniens chiites lapider les femmes adultères ou les Chinois condamner à mort avec demande de remboursement de la balle capitale, et les Européens s'essayer à être les plus justes possibles. Sommes-nous relativistes? A la limite, nous nous dirons que nous ne pouvons rien faire contre certaines injustices criantes.

Manet2:
Le monde entier bouge et les informations circulent d'un bout du monde à un autre.

Manet1:
Pourquoi le monde bouge-t-il plus aujourd'hui qu'auparavant?

Manet2:
Les voitures, les avions et l'argent en sont les causes.

Manet1:
L'argent va vers les avions. Pour les voitures, il faut des routes. Il faut des aéroports, des bateaux …

Manet2:
Il y a plus de moyens qu'avant.

Manet1:
Il y a également des retours en arrière. Il y a trente ans, les européens ne pensaient pas qu'un régime de droit divin comme celui qui existe en Iran apparaîtrait. Ils pensaient que le sens de l'histoire c'était la disparition des religions et la généralisation de la laïcité.

Manet2:
L'humain a besoin de se bâtir sur une croyance. Pourquoi? Cela provoque un malaise chez moi. Mais c'est une réalité.

Manet1:
Le point fort des humains est qu'ils sont capables, comme tous les animaux sociaux, de créer des ensembles de vivants agissant en synergie. Nous n'avons pas à faire avec 7 milliards de chats individualistes mais 7 milliards d'humains qui ont créé 200 états comme la France avec un président à la tête. La croyance est le ciment des 65 millions de français autour de leur président ou des 300 millions d'américains autour du leur. En dessous des états, il y a des régions, des communes, des quartiers ou des entreprises des plus grandes aux plus minimalistes. Partout où il y a des humains, ils sont en synergie. La fait que Manet2 et Manet1 se parlent, c'est un signe qu'ils partagent une réalité commune ou une croyance commune. Des paroles sont émises qui ont un retentissement et qui sont suivi de réponses avec un nouveau retentissement. Ceci grâce à une croyance partagée. Des éléments viennent de Manet2 vers Manet1 et inversement et ils sont pris en compte.

Manet2:
Dans une croyance, on est un adepte de quelque chose.

Manet1:
Les visiteurs de prison partagent également une croyance commune à savoir que visiter des personnes détenues est utile.

Manet2:
Il y a des désaccords entre les visiteurs de prison.

Manet1:
C'est normal.

Manet2:
Le désaccord vient du fait que certains cherchent à se valoriser.

Manet1:
Justement, les humains sont toujours en concurrence pour leurs ressources de vie. Prenons la croyance catholique. Nous savons qu'à l'intérieur de ce camp, il y a des gens qui se détestent définitivement. Et chez les visiteurs de prison, il y en a qui ne se supportent pas. Donc la croyance, c'est ce qui fait le lien entre les humains. Il s'agit de n'importe quelle croyance telle que celles de supporters de l'équipe de France.

Manet2:
Passons à Laurent Gounelle.

Manet1:
Le livre dont nous avons parlé dans notre précédent entretien semble être un roman pédagogique. Il ne décrit pas un évènement qui a eu lieu mais il en construit un de toutes pièces. Cela ressemble à l'évangile: on veut enseigner un comportement moral et on invente une histoire pour l'illustrer.

Le cœur de la démonstration de cet auteur c'est que premièrement chaque humain se construit à partir des croyances des gens qui vivent autour de lui et que par conséquent il ne faut pas les prendre pour des vérités définitives mais les remettre en question.

C'est important car il est vrai que nous avons tendance à ne pas remettre en question l'opinion de nos parents car nous nous y sommes tellement habitués qu'elles sont une seconde nature pour nous. Si à un moment donné on ne parle plus des avis des parents mais de leur croyance, cela les remet à leur place et libère les enfants. On en arrive à la notion de constat de désaccord qui est parfois plus positive que la recherche d'une vérité valable pour tous.

Ce qui est par contre moins intéressant c'est tout ce qui tourne autour du « développement personnel » qui donne lieu à la production d'une masse de livres très importante. Or on ne se développe jamais seul. Et il ne suffit pas de dire que l'opinion qui m'écrase n'est qu'une croyance. Il faut démonter les croyances négatives chez les autres et chez soi-même. Si un enfant remet en question les croyances de ses parents, eux ne changeront peut-être pas d'avis et il faudra en passer par des ruptures douloureuses. Et quand dans un couple où il n'y a qu'un seul contributeur ce type de conflit apparaît, la rupture qui peut-être la bonne solution est impossible.

Manet2:
Le développement personnel aide les gens à être mieux dans leur peau et à vivre plus facilement. Le timide va changer mais pas complètement.

Manet1:
C'est vrai pour les personnes détenues que nous visitons en prison.

Manet2:
Qu'apporte un visiteur de prison à ces personnes? Du moins à un petit nombre d'entre eux?

Manet1:
Nous sommes dans une société qui s'intéresse de moins en moins aux autres. Et cette société commence à être de plus en plus violente et intolérante. Et la prison peut-être considérée comme l'un des observatoires privilégiés de cette situation. A chaque fois que nous nous y rendons, chaque semaine, il y a donc ces deux problèmes qui reviennent à la surface. Si on ne réfléchissait à cela qu'en chambre, si l'on ne rencontrait pas la réalité, on tomberait dans le rêve.

Manet2:
Le mot – société - je le prononce de moins en moins. La société, c'est tout le monde y compris les personnes détenues. Quand on accuse la société, c'est soi-même que l'on accuse.

Manet1:
Si aujourd'hui, il y avait un parti politique qui se préoccupait vraiment de ce problème, peut-être ferions-nous de la politique au lieu de visiter les prisons. Étant humains, nous avons besoin de nous engager socialement, et cet engagement c'est le dialogue avec des personnes détenues.

Manet2:
Et il ne faut pas oublier que c'est par hasard que nous sommes chacun là où nous sommes. Il y a aussi des gens qui font des choses répréhensibles et qui toute leur vie passe au travers des gouttes.

Il faut parler de Bernard Madoff, l'escroc qui vaut 50 milliards de dollars. Il est très intelligent. On lui a ouvert toutes les portes qui l'ont mené à son emprisonnement. On l'y a mené à cette escroquerie. Nous connaissons des délinquants qui ne souhaitent pas évoluer. Ce n'est pas son cas. C'est quelqu'un dont on s'est servi et que l'on a monté sur un piédestal: il n'est pas responsable.

Manet1:
Tout problème humain c'est de comprendre pourquoi une personne arrive à une place donnée de la société humaine. Pourquoi y a t il des riches ou des pauvres? Madoff, c'est un parmi 7 milliards. Comment chez les humains occupe-t-on une place prééminente. Comment devient-on chef d'état? Aujourd'hui, en France, le président est Nicolas Sarkozy. Il y a des livres qui racontent son parcours. Il a fait des études supérieures. Il a fait partie très tôt d'un parti dominant. Il a fait des alliances. ET le voici chef d'état de 65 millions d'humains qui tous le « connaissent ». Louis XIV devient chef d'état de la France parce qu'il est fils de Louis XIII. Il a été roi pendant plus de 70 ans. Tournons-nous vers de chefs d'état criminels tels que Staline. Il a fait des études de pope et puis beaucoup de terrorisme. Il est monté dans la hiérarchie du parti communiste et en 1924 – catastrophe - Lénine conseille de ne pas le choisir et de préférer Trotsky mais c'est lui qui passe car il a préparé son coup depuis longtemps. En Allemagne, en 1918, les Hohenzollern sont expulsés et la crise économique et politique s'installe. Il y a des révolutions et des massacres et Hitler, un personnage d'apparence médiocre, fait un minable putsch à Munich à la suite duquel il est emprisonné. Il prend la direction des SA qu'il fait massacrer lors de la nuit de Cristal et il se suicide en 1944. On peut parler de Madoff, de Bill Gates, de Kim Il Song. Ils ne sont pas une poignée car à un moment, ils dirigent une partie des milliards d'humains qui vivent sur la Terre. A un moment donné Madoff a eu un rôle décisif en tant que responsable du Nasdaq puis un gros investisseur.
Donc il existe chez les humains des dirigeants de grands grands groupes. Et leur recrutement est très étonnant.

Manet2:
Madoff est un homme de bien.

Manet1:
C'est de la psychologie humaine. Nous, nous étudions l'éthologie des vivants. La démarche est différente. Il ne faut pas mêler les deux. Pour l'éthologie, tous les vivants sont bons. Hitler était entouré de collaborateurs dévoués et d'un peuple qui lui faisait confiance. Quand il s'est suicidé, il y a eu des larmes.

Manet2:
Parce qu'ils n'ont rien compris ni pensé à autre chose.

Manet1:
C'est également le cas de Madoff. Lui aussi n'a rien compris puisqu'il est en prison. Il a joué et il a perdu.

Manet2:
C'est un homme très tolérant.

Manet1:
Ce n'est pas toi qui a perdu tout ton patrimoine à cause de lui.

Manet2:
Cela lui est égal!

Manet1:
Mais pas celui qui a tout perdu à cause de lui.

Manet2:
On l'a aidé à tromper les autres.

Manet1:
Si tu t'étais retrouvé chez Saint Vincent de Paul, ton opinion aurait été différente.
Prenons un personnage très sympathique qui en a tué un autre.

Manet2:
Les Visiteurs de Prison devraient se rencontrer et parler des victimes. Il faut humaniser les prisons mais elles sont nécessaires.
Comment Madoff est-il pris en compte dans l'éthologie?

Manet1:
Comme Staline, Hitler et tous les humains qui parviennent à la direction d'autres humains. Ce qui est intéressant, c'est de savoir comment ils y parviennent.

Manet2:
Il vit bien sa détention. Le luxe ne lui manque pas.

Manet1:
C'est de la psychologie mais pas de l'éthologie où tout est du au hasard. Madoff, c'est l'un de nous deux.

Manet2:
Cela fait partie de l'évolution.

Manet1:
Tout fait partie de l'évolution.

Manet2:
Nous ne nous sommes pas compris: on attaque ces gens alors qu'on leur a ouvert des portes et que l'on s'en est servi. C'était un cerveau.

Manet1:
Ils y a un grand nombre de détournements d'argent mais on ne parle que des plus importants.

Manet2:
On y reviendra.

 

 

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