jeudi 30 septembre 2010

25° entretien

Manet2 et Manet1
25° entretien

Relecture du troisième entretien
du Jeudi 4 février 2010

- 1 -
Sigmund Freud



MANET2
Lors de la précédente session, nous avons repris des éléments de la première séance: les sectes, les planètes, les catastrophes, la solitude ainsi que le bonheur mais nous ne l'avons pas traité.

MANET1
On avait également parlé de la prostitution.

MANET2
Oui mais nous n'étions pas tout-à-fait d'accord. En effet, quand tu pars sur une ligne, tu es dans un monde où il faut avancer. Moi, je serais plutôt interpellée par ce qu'on laisse de côté. Et la prostitution, avec le recul, je ne la vois pas comme toi.

MANET1
L'une des raisons pour lesquelles j'ai introduit ce sujet – c'était une introduction un peu arbitraire – c'est parce qu'il y avait une chose qui me gênait dans le déroulement de nos entretiens. On restait toujours dans des généralités acceptées et consensuelles, qui font plaisir à tout le monde.

As-tu entendu parlé de Freud. Cet auteur parle du conscient et de l'inconscient. Pour lui l'inconscient est aussi important que le conscient. Mais dans l'inconscient, il se passe des drôles de choses. Il s'y trouve bien des choses que l'on refoule. Et parfois, on refoule des choses fondamentales. Elles sont refoulés ou bien du fait du sujet ou bien du fait de la société. Et dans les comptes-rendus de ses psychanalyses, Freud montre que la sexualité fait partie de ces éléments fortement refoulés qui ont des conséquences visibles et néfastes sur les personnes qui deviennent, en quelque sorte, infirmes.

MANET2
Peux-tu donner des explications plus détaillées?

MANET1
Nous allons prendre un exemple. Ce sera un cas dramatique.
Freud avait une fille, Anna Freud, qui à la mort de son père a repris le flambeau du freudisme. Anna était obsessionnellement amoureuse de son père. Elle n'a jamais réussi à s'en libérer et à mener une vie amoureuse avec un homme.Sa vie sexuelle, c'était la masturbation enveloppée dans le manteau de son père. L'auteur même du freudisme n'avait pas les moyens de guérir sa fille de ses problèmes sexuels. 

Le freudisme a pour but de pénétrer l'inconscient des patients pour leur permettre de surmonter des situations dramatiques. La psychanalyse sert à faire remonter à la surface un certain nombre de pensées qui ont été refoulées et qui empêchent une personne de vivre psychologiquement équilibrée. On parle du divan du psychanalyste sur lequel s'allonge une personne qui suit une cure psychanalytique. Elle ne regarde pas son psychanalyste dont le rôle essentiel est d'écouter et de relancer de temps en temps le récit du curiste sans le diriger car il risquerait de l'amener à son interprétation. On parlera de transfert positif ou négatif selon que le curiste aura une image favorable ou défavorable de l'analyste. Or il faut rester dans le neutralité totale et c'est au curiste de retrouver son histoire. Il va parler de ses rêves, de son enfance ou de tout autre évènement qui pourra lui paraître significatif ou utile pour lui. Les séances peuvent être cadencées ou non. Une analyse peut être courte ou très longue, s'interrompre ou non et se terminer par un résultat ou sans résultat.
Le curiste peut souffrir psychologiquement ou physiquement. Il peut y avoir toutes sortes de troubles gênants ou non: des tics, des troubles de la mémoires, des névroses et de l'hystérie. Des gens ont différentes phobies légères ou très lourdes. Et si celles-ci sont en lien avec l'histoire de leur psychisme, on peut espérer une guérison. Car il peut y avoir eu des refoulements douloureux: un enfant perd la parole le jour où il voit son père commettre un acte grave ou interdit sur un membre de la famille.

MANET2
Cela signifie-t-il que ce type de personne ne peut vivre normalement sans l'intervention d'un psychanalyste? On trouve des gens souffrants de ce type d'affection dans les classes aisées, chez les gens du spectacle. Certains interrompent leur cure car elle ne les satisfait plus et d'autres n'osent le faire par excès de timidité. A quelle époque remonte la psychanalyse?

MANET1
Elle remonte à Freud qui a vécu de 1856 à 1939.

MANET2
Il part de sa propre expérience. Comme ce type de personnes savent toucher les humains, n'ont-ils pas tendance à utiliser l'humain pour eux-mêmes, dans le cas de Freud, pour faire sa propre psychanalyse.

MANET1
Le travail de l'analyste c'est d'amener le curiste à faire sa propre psychanalyse.

MANET2
Mais Freud, ni aucun humain, n'est un dieu. Donc Freud ne possède pas la vérité.

MANET1
Personne ne dit qu'il la possède. Nous parlons de lui parce qu'il a introduit dans la pensée psychologique européenne, la notion d'inconscient. Avant lui, l'inconscient c'était un ratage de la conscience: "j'ai fait ce geste inconsciemment". Selon sa théorie, l'esprit humain est constitué de trois niveaux: le moi - contradictoire et conscient -, le surmoi - les règles de la société que j'accepte sans me poser de questions et le ça - tout ce qui est l'intérieur de moi et qui n'affleure qu'au travers des rêves, des lapsus ou des pulsions inconscientes dont la pulsion de la libido ou la pulsion du plaisir. Si les pulsions sont refoulées et mal refoulées, elles peuvent entraîner un déséquilibre de la personnalité. Avant Freud, on ne reconnaissait qu'un univers rationnel et un univers religieux.

MANET2
Quand on vit et qu'on progresse dans la société, on n'a pas besoin de Freud!

MANET1
Ford a inventé la première voiture populaire. Aujourd'hui cela nous laisse indifférent mais tous les Français ont une voiture. Freud a inventé un certain nombre de notions qui sont devenues d'usage courant.

MANET2
Je n'ai pas lu Freud. C'est ma vie qui m'amène à penser comme je le fais.

MANET1
La plupart des gens aujourd'hui n'ont pas besoin de le lire. Nous vivons en démocratie, pourquoi lire la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen puisque globalement elle s'applique. Ou le code civil ou la constitution de la 5° république. Si nous parlons de pulsion ou de sexualité aussi facilement, c'est grâce à Freud. Notons quand même que pour l'éthologie, ce n'est pas un humain particulier qui change le cours des choses. Si le discours de Freud passe, c'est parce qu'au moment où il s'exprime la société peut l'entendre et qu'elle était inconsciemment en attente. Galilée est arrivé trop tôt et on l'a menacé du bucher s'il ne se contredisait pas.
Ce qu'ajoute Freud par rapport à l'éthologie, c'est le domaine de l'inconscient. Nous disons que tous les vivants sont frères. Mais, tous les vivants ont-ils un inconscient? Nous n'en savons rien.

L'éthologie court un risque analogue: si on reste au conscient ou au consensus, on ne pourra pas approfondir les choses et on refoulera les sujets difficiles. Il faut aborder des choses plus dures et plus douloureuses. C'est pour cette raison que nous en sommes arrivé à la prostitution. Autre exemple de refoulement: on ne parle pas de la mort. Si on reste dans notre conversation humaniste, la mort c'est une chose qu'on laisse aux vieux...

MANET2
On la repousse...

MANET1
On la laisse aux vieux car on comprend très bien que les vieux commencent à s'occuper de la mort mais par contre on estime que les jeunes ont vraiment d'autres chats à fouetter: le travail, les enfants, le bonheur, la construction de la maison et tout ce qui se fait dans la vie. Or la mort n'est pas uniquement un problème de vieux. Dans ses mémoires, l'Irlandais dont nous avons déjà parlé revient sur la mort de son fils de 10 ans qui était parti à la chasse aux œufs de mouettes avec son ami. Il se trouve que les mouettes, pour se protéger des autres prédateurs dont l'homme, construisent leurs nids dans des endroits très périlleux pour eux. Ce qui devait arriver, arrive: le fils tombe de la falaise et flotte pendant un certain temps dans l'eau avant d'être repêché et enterrer.

- 2 -
Comment analyser la mort en termes éthologiques?

Au XIX°, la mort d'un enfant avait un retentissement moins important qu'aujourd'hui car cela arrivait plus souvent. On était très heureux quand l'enfant parvenait à l'âge adulte. Il y avait la diphtérie, la rougeole et toutes sortes d'autres maladies ou épidémies. On y était habitué, on faisait des enterrements, la mère pleurait, les parents pleuraient et après il fallait se remettre rapidement au travail car la vie était plus difficile. Aujourd'hui le retentissement est plus profond car c'est plus rare, c'est considéré comme un grave échec et on se culpabilise. Nous avions des amis dont un enfant s'était noyé au fond du jardin. Il avait 3 ans. Il s'appelait Pierre. Un autre est né, ils l'ont appelé Simon en souvenir de Simon Pierre, l'apôtre. Quand la famille est fragile psychologiquement, cela dure toute la vie, et dans notre cas, cela se répercute sur Simon qui traîne cela toute sa vie et si lui ne jugule pas la situation, il va transmettre cela à ses enfants donc à la troisième génération. Du point de vue éthologique, un enfant qui tombe, cela est du à la gravitation terrestre.

Tu es au fond du jardin et avec une bêche tu détruis une fourmilière, c'est un événement analogue qui se passe. Voilà un regard différent de celui que l'on a d'habitude de porter sur ce sujet. Comment réagissent les fourmis? Elles ne sombrent pas dans le fatalisme et se mettent au travail. Elles transportent les œufs, elles reconstruisent la fourmilière, ça va dans tous les sens, il y a de l'activité intense partout. On y trouve des points communs avec nous. Certes, le cerveau de la fourmis doit avoir entre 10 et 100 000 neurones alors que le notre en comporte 100 milliards donc on ne peut pas dire que la fourmi a un sentiment comme nous ou qu'elle va penser comme nous. Sauf si l'on compare le coup de pelle dans la fourmilière et le séisme en Haïti où des humains essaient de sortir les gens qui sont encore vivants et n'y parviennent pas. On dit aujourd'hui que 200 000 humains sont morts alors que l'on se doutait dès le début qu'il y aurait un aussi grand chiffre de victimes. Cependant, jamais quelqu'un n'aurait dit "perdu pour perdu, ne faisons rien". Il y a donc bien une relation entre des deux évènements, entre le coup de bêche et le séisme et la manière dont d'un côté les fourmis et de l'autre les humains se comportent.

- 3 -

MANET2
Le séisme de Haïti: il y a ceux qui ont perdu des proches et qui ont de la peine. Mais a-t-on le droit de parler du sentiment? Les gens qui sont venus en aide ne ressentent pas ce que ressentent ceux qui ont perdu des proches. Ceux-là ont besoin d'aide. Quand on connaît le pays! Moi je divise cela en trois parties...

MANET1
Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Il faut que nous trouvions une échelle où l'on puisse dire, sans les réduire les uns aux autres, que ces deux évènements c'est la même chose. En éthologie, on ne peut pas descendre au niveau des sentiments à cause du différentiels des neurones et aussi des différences des réactions par rapport à un événement.
Mais il y a un niveau qui nous rapproche: l'alarme, puis l'affolement du début – comme aux premiers jours du séismes avec les aides qui arrivent ou non, avec les réunions désordonnées aux États-Unis, en Europe et ailleurs, les inepties qui sont dites, les gens qui arrivent et qui ne savent où aller. Par la suite, arrive la consolidation, on a fait le deuil de ceux qui de toute manière étaient perdus. Les fourmis après la phase d'alarme reviennent à leur organisation hyper sociable – ce sont quasiment des robots. De nouveau elles font leur terriers, elles vont chercher de la nourriture, elles nourrissent les larves, la reine se remet à pondre et tout rentre dans l'ordre. Pour le séisme d'Haïti cela va être la même chose. Dans un ou deux ans, on va reconstruire et peu à peu cela va rentrer dans l'ordre comme c'était avant le séisme. Il y a eu des morts et il y a des transformations. Si l'on prend ce schéma là : un élément extérieur catastrophique, l'alarme, l'affolement et peu à peu le retour à la normale, ces 5 étapes sont identiques chez les fourmis et chez les humains sans que l'on soit obligé de dire l'humain est une fourmi ou la fourmi est un humain ou bien c'est « comme chez les fourmis » ou « c'est comme chez les humains ».


MANET2
J'ai un point de vue différent. Depuis toujours j'ai prêté peu d'attention à la fourmilière. On entend pas les fourmis se battre ou discuter, on ne parle pas du bien ou du mal contrairement à Haïti. On y a vu du dévouement, des réseaux d'enlèvements d'enfants. Comme dans les guerres, ce qui est mauvais pour l'un est bénéfique pour l'autre. Et cela continue tant que le monde est monde. Les humains ne vont pas tout faire pour que Haïti atteigne le niveau de l'Europe ou des États Unis. Nous connaissons bien la situation d'Haïti. Cela ne va pas changer.

- 4 -
La reproduction

MANET1
Chez les humains, des éléments de la reproduction sont placés dans le non-dit. Chez eux contrairement à la plupart des autres animaux, la fertilité est permanente.

MANET2 les humains sont donc bien différents!

MANET1 C'est un problème éthologique, un problème de comportement dans le domaine de la reproduction. Chez chaque espèce, le reproduction prend un chemin particulier alors que structurellement, il y a une proximité entre tous. Tous les animaux ont potentiellement la capacité à avoir une fertilité permanente. A l'inverse, les humains ont également la capacité à n'avoir tous les ans qu'une saison de fertilité. Si les uns et les autres sont allés dans des sens différents c'est parce que pour chaque espèce, étant donné son évolution, le sens choisi est optimum. Nous ne travaillerons pas ici sur les hypothèses qui expliquent les uns et les autres. Ce n'est pas nécessaire pour constater que les choix sont différents alors que les potentiels sont identiques.

Le singe hurleur noir est monogamique éternel comme l'humain. Un jour un mâle cristallise avec une femelle et s'il n'y a pas d'accident, ils vivent ensemble jusqu'à leur mort.

Le gorille mâle vit avec un harem de gorilles femelles. Quand il décline, il se fait déposséder de son harem par plus jeune et plus fort que lui. Entre la prise de possession du harem et sa dépossession, le harem aura évolué, les petits seront devenus adultes et se seront éloignés, les femelles les plus âgées seront mortes et auront été remplacé par des jeunes. Une fois expulsé, le vieux gorille s'éloigne et termine sa vie, solitaire.

Certains babouins sont matriarcaux, c'est la femelle la plus élevée dans la hiérarchie qui réglemente le groupe avec les conséquences sur les règles de reproduction mais les mâles restent les plus forts physiquement.

En comptant l'humain, nous voici avec quatre modèles éthologiques de reproduction chez les mammifères et plus précisément chez quatre espèces de l'ordre des primates.

MANET2
Chez l'humain, il y a plusieurs catégories, plusieurs espèces et plusieurs modes de vie.

MANET1
Chez l'humain, il y a une seule espèce qui comporte 6,7 milliards de vivants.
Il reste environ 100 000 gorilles de diverses espèces. En 1960, il restait un million de chimpanzés - également de plusieurs espèces, et aujourd'hui moins de 150 000. Les grands singes sont en voie d'extinction du fait de la chasse qu'en font les humains. Chaque espèce a son mode de vie familiale et de reproduction.
Quand on est à l'intérieur de l'espèce, les règles éthologiques s'imposent de manière quasi inconsciente: on ne peut y échapper.
Chez les humains, il existe des cultures différentes c'est-à-dire des variantes du modèle éthologique de reproduction. Chez les Européens dominent le mariage monogamique éternel alors que chez les musulmans arabes et non arabes, existe le mariage polygamique éternel avec cette nuance qu'il est plus inégalitaire que la mariage monogamique dans sa liaison père et mère mais aussi stable dans sa liaison parents et enfants.
Dans le mariage monogamique humain, il y a garantie des ressources de vie sur la base de la reproduction en application de la règle générale que tout vivant, animal ou végétal, a besoin de ressources de vie et de ressources de reproduction. Le mariage c'est la fusion de ces deux ressources: la vie quotidienne et la vie sexuelle y sont intimement liées.
L'avantage de la fusion tient d'abord au fait qu'un vivant plus un vivant c'est plus que deux vivants. Si l'on augmente le nombre d'individus dans un groupe, la règle reste valable. C'est pourquoi, chez les humains, il y a des groupes de plus en plus important: des communes, des entreprises et des états entre autres.
Chez les humains, chaque vivant porte un nom qui lui est propre. Lorsqu'un chat rencontre une chatte, ils font des petits. Un à deux ans après la naissance, les petits sont devenus étrangers à leurs parents. Chez les humains, l'enfant reste l'enfant de ses parents toute sa vie et même au-delà. C'est l'une des bases de la société. C'est ainsi qu'était fondé la royauté et il y a beaucoup de gens qui ont de grands arbres généalogiques. Le couple monogamique éternel est le ciment de ce système.
Pourquoi c'est aussi bien cimenté? La réponse darwinienne est que c'est ce qui a produit l'importance de l'espèce humaine. Soit deux modes de vie familiale - le mode des chats et le mode des humains - le second est immensément plus efficace que le premier. Malgré les guerres extrêmement nombreuses et destructrices, les épidémies gigantesques et les famines dramatiques subies par les humains, ils sont aujourd'hui l'animal de plus de 40 kg le plus prolifique de la Terre. La solidarité entre les humains vient à bout de tous les malheurs. Nous n' étions que 10 millions, 10 000 ans avant aujourd'hui et nous n'avons cessé de progresser. Le couple monogamique est "l'atome" de la société des humains - si l'on accepte l'idée que le couple polygamique n'en est qu'une variante car il crée une solidarité définitive au sein de la famille. Toutes les familles ne sont pas heureuses ou en bonne santé physique et morale mais tendanciellement le modèle de référence c'est de "bons parents", "de bons enfants" et de "bons petits enfants".
C'est d'ordre éthologique parce que cela correspond au schéma darwinien suivant: soit deux sociétés, l'une avec une reproduction fondée sur le couple monogamique éternel et une autre sur un autre modèle, on constate qu'à terme que c'est la première qui l'emporte tandis que l'autre disparaît.

Dans le film "La cité du mâle", il y a une grande cruauté entre les filles et les garçons et il y a beaucoup de souffrance. Nous venons de dire que la solidarité l'emporte chez les humains. Si la solidarité l'emporte comme elle l'a fait depuis toujours, l'autre finira par disparaître. Le modèle de "la cité du mâle" n'est pas tenable dans le temps.

MANET2
Cela va prendre un certain temps.

MANET1
Oui, comme la guerre.

MANET2
C'est une forme de guerre.

MANET1
C'est pour parer à l'exode rural que l'on a construit les grands ensembles comme la Cité du mâle. Cela déstructure la société car on n'y trouve ni maire, ni curé ni instituteur alors que pour une même population à la campagne, ils étaient présents. Aujourd'hui, on commence à détruire ces grands ensembles. Cela ne suffira pas, il faudra que la société s'organise et qu'on refasse tout l'urbanisme. Cela va coûter cher et cela durera longtemps. Il faudra inventer une nouvelle ville. Notons qu'aujourd'hui même les classes moyennes ne peuvent plus vivre à Paris.

- 4bis -
Le mariage


MANET1
Mais pourquoi à côté du mariage monogamique, il y a le mariage polygamique? Nous avons déjà dit que si une partie des humains a suivi une voie polygamique, c'est parce qu'il existe un grand différentiel entre la contribution à la conception de la part d'un homme par rapport à une femme. En théorie, une femme peut avoir 40 enfants dans sa vie c'est-à-dire un par an durant sa fertilité. L'homme peut faire un enfant par jour. C'est ainsi que sont apparus les monarques et les potentats avec harems, concubines ou maîtresses. Pour les moins riches, restent toutes les variantes de la prostitution ou de l'adultère. Nous analyserons ces variantes une autre fois.

On constate cependant que dans le société européenne réputée monogamique, plus l'homme est haut dans la hiérarchie sociale et plus il y a disparité de richesse entre lui et les femmes de son entourage, plus il y a polygamie de fait ou adultère de fait, la plupart du temps géré de manière à ce que la publicité en soit la plus minime possible. Dans la Turquie du passé, il y a une distance "sidérale" entre le sultan et l'une des femmes de son harem. Dans la France du XVII° siècle, Louis XIV est entouré de maîtresses officielles et de concubines occasionnelles. Plus près de nous, nous avons connu François Mitterrand et Danielle Gouze, son épouse pour les cérémonies officielles, et Anne Pingeot ( de 27 ans, sa cadette) et leur fille Mazarine, pour la vie familiale.

Il faut approfondir les raisons qui font apparaître d'un côté le mariage monogamique et ailleurs, le mariage polygamique. Cela s'est élaboré au cours de 150 000 ans où les humains venu d'Afrique se sont séparés et développés loin l'un de l'autre. Le modèle polygamique se développe dans le désert: les musulmans sont, à l'origine, essentiellement des humains du désert. Les Turcs sont des humains venus de vastes prairies mongole c'étaient des pasteurs. A l'origine, ils étaient animistes et c'est au contact des arabes qu'ils ont basculé dans l'islam. La prégnance de l'islam est tellement forte que les turcs et les iraniens ont adopté l'alphabet arabe et qu'ils apprennent cette langue pour lire le Coran en arabe. Les arabes, peuples du désert, sont donc bien à l'origine de l'islam. Quand on se trouve dans le désert, il y a des oasis et il y a de grands fleuves. Dans ce cas, l'agriculture se développe comme dans les pays européens. Pour cette raison, la possibilité de la mise en place d'un couple monogamique éternel existe. C'est la raison pour laquelle, il n'est pas absent de ces régions-là. Mais une fois dans le désert, nous entrons dans une civilisation de survie et de forte solidarité autour des puits d'eau isolés mais aussi dans une civilisation de razzias et de guerres permanentes. D'où une forte disparité entre les hommes et les femmes: la survie oblige les uns à cultiver la force à l'extrême et aux épouses à se consacrer encore plus aux enfants et au repos du guerrier. Comme le soldat est souvent absent, il faut que la fidélité soit inattaquable, d'où le renfermement de la femme. Comme la prostitution ou l'adultère sont malaisées dans les camps de nomades, il a le droit de se marier avec autant de femmes à qui il peut assurer une vie décente. Mais en retour, le statut de cette femme est très fragile: il n'y a aucun espoir d'égalité entre l'homme et la femme.

Dans les pays tempérés et agricoles, il est bon que la femme s'occupe de la basse cour, de la traite des vaches et d'autres activités complémentaires à l'acquisition des ressources de vie. Elle laboure rarement ou pas du tout. Les travaux de force ou mécaniques reviennent essentiellement à l'homme. Mais la contribution de la femme, en sus de sa mission d'accoucher et d'élever les enfants, est décisive. Elle a un statut inférieur mais pas au point d'ouvrir la possibilité du mariage polygamique.

C'est une analyse éthologique. Les lignes de force de l'espèce humaine sont la main, l'outil et le cerveau. Sur cette base s'organise la réponse aux besoins de ressources de vie et aux besoins de ressources de reproduction. Il y a d'un côté le travail pour les ressources de vie et les deux types de mariages pour les ressources de reproduction. A partir du moment où un couple est crée, le travail et le mariage sont complètement intégrés et inséparables. C'est pour cette raison que les divorces d'humains qui ont cessé leur travail - qui sont "en retraite"- sont moins courant que ceux des humains "en activité".



- 4ter -

Il y a une réponse à cette vision. On parlera ensuite du sentiment.

Voilà ce qu'on voit lorsqu'il y a eu des guerres en Europe. Un pays présente des évolutions multiséculaires. Prenons la France. Au XVIII° siècle, l'agriculture commence à être florissante. L'industrialisation en est à ses débuts. Au XIX° siècle, elle augmente. La démographie suit. Au début du XX° siècle, il y a la guerre 14-18. Elle apporte beaucoup de destruction. La courbe du bien être et celle du PIB baissent. Une fois la guerre terminée, intervient la reconstruction. Et quelques années après, le pays reprend la ligne de progression qui était celle d'avant guerre. Puis voici la guerre 39-45, une nouvelle catastrophe et des destructions immenses. La reconstruction suit. Et à nouveau on retrouve la ligne de progression d'avant guerre.

L'explication est simple. L'amélioration du PIB vient de l'amélioration des techniques agricoles, industrielles et sociales. La guerre vient interrompre le travail mais les humains gardent le progrès. Une fois la paix revenue et l'économie remise en marche, le rattrapage est facile car on refait ce que l'on sait faire et on reprend la vitesse du progrès d'avant la catastrophe. Cela dit chaque pays a une ligne de force plus ou moins montante.

Si on applique ce modèle à Haïti, ce sera la même chose. Il y avait une ligne de progression qui venait de très loin. L'histoire d'Haïti est une histoire folle. C'est une île où ce sont des descendants des esclaves noirs qui ont pris le pouvoir. Les Européens et même les métis étaient expulsés. Au XIX° siècle on a vu apparaître des Empereurs avec des châteaux qui ont épuisé toutes les ressources locales. C'était un pays relativement riche grâce à la canne à sucre et aux forêts. Ils ont dilapidé leur argent parce que leur modèle c'était Louis XIV ou Napoléon 1er. Au XX° siècle, ils étaient appauvris et ils ont excessivement déboisé. Aujourd'hui sur l'île, il y a d'un côté, Haïti, sans arbre et, de l'autre, Saint-Domingue dont la couverture est bonne. Parmi les états des Antilles qui sont indépendants, Saint-Domingue se porte bien mieux que Haïti.La ligne de Haïti est peut-être en progression, stable ou en régression. Peut-être même en régression car dans un des derniers reportages sur l'enlèvement des enfants, on constate que les parents les donnent sans regret et sans en attendre un retour. Quand des parents donnent leurs enfants, cela ne signifie-t-il pas que la société est en train de s'effondrer? Supposons donc que la courbe soit descendante. Le séisme a lieu. Il y a une grande brèche dans la ligne descendante. On la colmate mais uniquement pour remettre en route une ligne descendante selon la même pente que celle qui existait avant la catastrophe. Sauf si à l'occasion de cette chute, il y a un système de type israélien et colonisateur qui se met en place et qui fassent que soudain des Européens ou des Chinois, des pays développés s'y installent et prennent le pouvoir. On n'en sait rien. Mais si on reste dans le contexte qui existait avant le séisme: on retrouvera le Haïti d'avant le séisme. On va reconstruire la cathédrale, le palais du président, l'archevêché et le siège local de l'ONU mais pas les maisons de la population.

- 5 -
La concurrence universelle

Parlons maintenant du sentiment en éthologie. Il faut d'abord aborder la notion de douleur physique. Un humain court et il se foule la cheville. Il y a soudain une grande douleur. Quelle est le rôle de la douleur? S'il n'y en avait pas, l'humain continuerait à courir et la cheville serait encore plus abimée. Dès qu'il y a foulure, il faut arrêter de marcher et commencer à la soigner. Il y a 50 000 ans, on l'aurait mis dans la caverne et on aurait attendu que cela se passe. Aujourd'hui on a avancé. Il y a des médecins. On met des attelles et et on fait des médications, on intervient médicalement. La douleur est le signe qu'il faut arrêter d'appuyer sur le pied. Il y a le cas des alpinistes ou des explorateurs des pôles arctiques. Il arrive que leurs pieds ou leurs mains gèlent. Ils ne sentent plus rien. C'est une catastrophe car ils ne s'aperçoivent pas qu'ils sont en train de perdre leurs membres définitivement. D'un point de vue biologique, la douleur est un signal d'alarme pour le système central, le cerveau. Remontons bien plus loin: il y a 3 milliards d'années, il n'y a que des corps monocellulaires. Aujourd'hui, les humains sont des corps multicellulaires constitués de 10 000 à 100 000 milliards de cellules. Donc il faut qu'il y ait quelque chose quelque part qui gère l'intégrité de ce corps multicellulaire qui a été créé par l'évolution. Ainsi au fur et à mesure que les corps sont devenus de plus en plus organisés et complexes, ceux qui n'avaient pas la bonne alarme disparaissaient et ceux qui avaient une alarme bien placée, progressaient. La douleur fait partie de ce système d'alarmes. Étant donné que nous sommes un corps multicellulaire, il faut un système qui me signale que son intégrité est remise en cause. La douleur est un signal et en plus je sais où se trouve le problème. C'est étonnant de savoir où l'on a mal. C'est complexe. Comment se fait-il que j'ai mal à tel endroit? Alors que le système passe par le cerveau. Si on fait une piqûre anesthésiante au même endroit, on ne saura pas que l'on a mal.

Soit une grand immeuble avec son système d'alarme. Une porte qui doit restée fermée s'ouvre. Il y a un signal qui apparaît au-dessus de la porte et un signal au poste de contrôle central. Si le signal n'apparaît qu'à la porte, il faut un contrôleur à chaque point de contrôle. C'est très cher. Le signal permet de ne pas mettre une ressource très cher à l'endroit où il se trouve. Il n'y a un contrôleur que dans la salle de contrôle. Donc il y a deux signaux: l'un au poste central ( le cerveau) pour alerter et un à la porte pour permettre une intervention là où il le faut. La douleur, c'est le signal local qui indique l'endroit qui dysfonctionne. C'est un problème strictement physique. Cela me fait mal selon une certaine intensité. Si un moustique me pique à cet endroit, il y aura une petite douleur facile à localiser. Si la cheville est foulée, la douleur sera intense. On en déduira l'importance et donc l'urgence à lui donner. Si un moustique pique un alpiniste pendant un grand effort, il ne fera rien car il risque de tomber pour rien. Mais s'il se foule la cheville pendant son ascension, il doit immédiatement prendre des décisions importantes. Revenons à notre immeuble: sur des accès internes de peu d'importance, les alarmes sont secondaires mais si une porte s'ouvre sur une allée piétonnière, il y aura une puissante sirène.

Donc la douleur est apparue parce que nous sommes passés d'un corps monocellulaire à un corps multicellulaire gigantesque et il faut que ce corps continue à exister. S'il y a un problème d'alarmes pour une foulure de la cheville, tous ceux qui n'en ont pas disparaîtront peu à peu et ceux qui en ont, continueront à évoluer.

MANET2
Et la douleur morale?

MANET1
Avec la douleur morale, on entre dans le sentiment. Dans le sentiment, il n'y a pas toujours de signal physique. Par exemple, une mère court avec son enfant dans les bras. Elle se foule la cheville et elle ressent une grande douleur car elle se rend compte que dorénavant les soudards qui la poursuive pour lui prendre son enfant vont certainement la rattraper et elle ne pourra le sauver. Ici, il y a une douleur physique et un sentiment. Mais le sentiment peut apparaître seul. Et là il peut s'agir d'une douleur morale. Quel est son rôle? Il est possible qu'elle soit liée à la spécificité humaine.
C'est un vécu interne. Et seul celui qui le vit peut en parler. Chaque humain ne peut parler que de son vécu mais dès qu'il s'agit du vécu d'un autre humain, c'est déjà approximatif. Deux humains qui ont la même douleur, peuvent avoir des retentissements différents. En outre, il nous est impossible de parler des sentiments autres que ceux des humains. On ne peut pas et on n'a scientifiquement pas le droit de dire qu'une fourmi a ou n'a pas de sentiment. Nous n'en savons rien. De même que pour un chien. Si nous le disons nous faisons de l'anthropomorphisme. Nous aurons tendance à lui attribuer notre sentiment et non le sien. Et même si nous entrons en dialogue le chien et moi, ce sera une situation où je le traiterai en « sous-homme » et lui me traitera en « sous-chien », avec les avantages et les inconvénients. D'un côté, lui et moi nous nous comprenons, et d'un autre, il y a un plan où nous ne nous comprenons pas.

Dans le cycle du vivant "conception / jeux / cristallisation / élevage des enfants / séniorat" appliqué à l'humain, le sentiment joue un rôle définitif dans la cristallisation. A un moment donné, un humain femelle rencontre un humain mâle et chacun des deux se dit « je veux faire ma vie éternelle avec lui/elle ». Et c'est le sentiment, semble-t-il, qui est le ciment de cette cristallisation. « Je l'aime » aujourd'hui, pour l'éternité et après la mort. Le sentiment est important. Puis il y a l'élevage des enfants. Les liens enfants-parents se font également sur la base du sentiment. Prenons la vie d'autres mammifères non primates comme l'ourse, au moment où il y a la période des « chaleurs ». L'ourse et l'ours se mettent en quête l'un et l'autre d'un partenaire. Ils se rencontrent, par hasard, conçoivent un petit ours et se séparent. Le mâle s'en va, la « chaleur » est passée et il n'est pas concerné par le petit ours qu'il a fait. Il n'y a pas de sentiment qui naisse entre le père et son fils. Cependant, il semble qu'un ours adulte développe une attitude différente vis à vis d'un ours juvénile que vis à vis d'un ours non juvénile. Il est tolérant vis à vis du premier. Pour les autres, c'est la territorialité qui est décisive. Il n'y a aucune reconnaissance familiale. La mère ourse s'occupe de l'élevage de son enfant. Elle adopte un rapport maternel: jeux, repas, espiègleries, tout lui est passé avec tolérance. Un jour, il passe l'âge du maternage: l'ourse l'oblige à déguerpir et toute relation familiale cesse définitivement. Par contre l'enfant d'un humain le reste toute sa vie et même au-delà de la mort. Tant que les parents sont là, ils racontent les grands parents mais le jour où il ne reste plus personne qui a connu l'ancêtre, quand on est dans la situation d'arrière grand parent, c'est fini. En général. Il y a des ancêtres qui survivent ou bien des groupes sociaux où on garde la trace et la révérence des générations très anciennes comme chez les rois ou les aristocrates. Mais c'est réservé à une catégorie comportant peu d'humains. La plupart des humains manifestent une indifférence complète vis à vis de leurs arrières grands parents.
Le sentiment est un ciment important dans le fonctionnement humain qui relient entre elles les générations vivantes et les générations précédentes dont on garde encore une trace physique. La mère peut parler de sa grande mère à sa fille même si celle-ci est née après le décès de son arrière grand mère. C'est un ciment pour le groupe familial, pour des groupes plus importants formels ( groupes auxquels les humains appartiennent – professionnels, associatifs, locatifs) ou non (amitiés).

Cela dit, tous les humains sont toujours en concurrence avec tous les humains. Cette concurrence se manifeste soit par diverses formes de lutte, des plus visibles aux plus secrètes, soit par des paroles tels que des jugements expéditifs "il est bête!" ou "il est mauvais" ou bien des avis "scientifiques" tels que ceux de Hugues Lagrange . Ce sociologue écrit qu'il y a un lien entre la culture sahélienne des africains et leur présence dans les échauffourées de Grenoble alors que cette présence est dû à leur statut de noir en bas de l'échelle sociale en France comme aux États Unis, une des conséquences de la concurrence avec tous les humains. Ces gens venus du Sahel ont des avantages: ils connaissent l'Afrique et l'Europe et au moins deux pays: leur pays d'origine et leur pays d'accueil. Mais parmi ses points faibles on voit que leur pays n'est pas industrialisé donc qu'il ne peut maîtriser la culture technique du pays d'accueil d'où leurs difficultés à trouver un emploi. De plus, beaucoup d'entre eux transgressent les règles d'immigration et un certain nombre, les règles sociales, ce qui les amène en prison. On dit que l'africain arrivé en France ne parvient pas à couper ses racines. Mais un français le fait-il pendant sa vie? Non, car il n'en pas besoin.Il a donc un avantage concurrentiel sur l'africain immigré. Nous sommes en éthologie. C'est le hasard qui fait que le français est français et qu'il ne quitte pas son pays, qu'il n'est pas déraciné contrairement à l'africain qui est déraciné et plus faible. Chaque seconde de la vie d'un humain particulier l'amène à l'endroit où il se trouve et chaque seconde est une seconde de hasard. Nous restons dans le schéma darwinien: soit deux vivants d'une même espèce, si le premier a un comportement A et le second un comportement B, si A réussit et B rate, le premier vivant passe devant le second, avec le risque pour ce dernier de disparaître complètement.
Reprenons notre Sahélien et comparons le à notre situation. Nous avons toujours pensé rester en France. Lui s'est dit qu'il allait quitter son pays pour faire sa vie en France. Nous, vivant A avons choisi un comportement A, rester au pays. Lui, vivant B a choisi un comportement B. Nous habitons paisiblement dans notre ville et lui manifeste violemment à Grenoble. Le comportement A l'emporte, pour l'instant, sur le comportement B. Il aurait pu venir en France, faire des études et se marier avec une française, avoir des enfants et se loger normalement. Nous, de notre côté, aurions pu vivre un drame dans notre famille. Ce serait l'échec. Dans les deux cas, tout est du au hasard.

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Le sentiment et la croyance

Le sentiment comme la croyance sont la lumière de l'humain. C'est de cette manière qu'il s'éclaire et qu'il voit sa route. Ce n'est pas le rôle de l'éthologie pour laquelle chaque instant est le fruit d'un hasard: une astéroïde peut tomber sur la Terre à n'importe quel moment. Il peut y avoir un tremblement de Terre, une tornade ou un accident de la route. Il faut donc approfondir la notion de sentiment car ce n'est pas avec l'éthologie que l'on peut reconstruire ou créer une société. Par contre elle corrige nos erreurs. Et il faut de nouveau parler de Galilée.
Il dit que la Terre tourne autour du soleil. En ce temps là, l'Église est l'expression du sentiment et de la croyance dominantes. Elle dit que cela n'est pas possible car Dieu nous a créé à sa propre image et il a envoyé son fils pour nous sauver donc à l'endroit le plus sacré de l'Univers. L'Église se trompe scientifiquement. Mais à quoi sert-elle à cette époque? Elle est le ciment de la puissance de l'humain par rapport à tous les autres vivants et à la nature. Si l'Église avait réussi à tuer l'idée de Galilée, aujourd'hui nous n'irions pas dans l'espace et nous ne connaîtrions pas aussi bien la matière pour nous la soumettre. Voilà le rôle de l'éthologie: elle explique que tous les humains sont frères et tous les vivants également. Mais avec le sentiment, il y a l'organisation de la société dans son environnement humain, vivant et non-vivant. Le Sahélien et le Rom sont nos frères nous ne réfléchissons pas en termes d'exclusion - "c'est un étranger" -. Si nous sommes frères, nous nous aimons et les frères doivent faire chacun un effort pour mériter cet amour. Hélas le sentiment et la croyance disent le contraire. Galilée a mis beaucoup de temps avant d'être reconnu. Ce sera le cas de l'éthologie également.

MANET2
Depuis que nous parlons de l'évolution, c'est la première fois que nous faisons une forte distinction entre l'animal et l'humain. Est-ce parce que l'évolution entre en ligne de compte?

MANET1
On peut être d'accord avec cette affirmation à deux conditions. D'abord, il n'est pas question de dire que l'humain c'est la cerise sur le gâteau donc c'est possible si l'on n'oublie pas que « la fourmis est ma sœur » et que « l'arbre est mon frère ». Et ensuite parce que nous sommes dans l'ordre du sentiment et là nous sommes incapables de parler des autres espèces parce que le sentiment c'est à l'intérieur de l'espèce que cela se passe. Attention! Très souvent on dit de manière erronée: "nous sommes incapables de concevoir cette chose donc elle n'existe pas". Il ne faut pas dire il y a des sentiments chez les humains donc il n'y en a pas chez les non-humains. Les autres nous n'en savons rien mais ce n'est pas parce que je n'en sais rien que cela n'existe pas.

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Je vis donc je pense


MANET2
Nous sommes dans l'incertitude et il faut s'arrêter là. Rien ne dit que l'arbre ou l'animal pense. Quand un animal se cache par peur soit pour attendre, on pourrait dire qu'il réfléchit.

MANET1
Dans la conférence "Tous les vivants sont frères", la conclusion générale est "je vis donc je pense".

MANET2
D'accord pour l'humain mais pour les autres?

MANET1
Notre réflexion avance par affirmations successives qui deviennent ensuite des hypothèses scientifiques à force de les "ronger comme un os". Au début, la conférence insiste sur notre extrême petitesse par rapport au système solaire et plus encore par rapport à l'univers. En tant que vivants, nous faisons partie de tous les vivants qui ont un ancêtre commun il y a 3 milliards d'années. Dieu n'a pas créé les hommes d'un côte, puis les animaux et les plantes de l'autre. Mais ces vivants sont apparus dans l'Univers. Dieu n'a pas créé, non plus, les cellules qui sont à l'origine des vivants. Il n'y a aucun élément physique dans les vivants qui ne se retrouvent dans la "matière non-vivante". Nous sommes infiniment petits et quand nous disons que nous pensons, c'est à cette dimension-là. Il y a beaucoup de gens qui disent "je pense à l'univers" et en concluent implicitement qu'ils comprennent l'univers et dans comprendre il y a contenir dans le sens de "la France comprend 22 régions". Le cerveau n'est qu'un organe dont les animaux ont besoin pour trouver leurs ressources de vie et de reproduction parce qu'ils sont hétérotrophes. Le cerveau n'est pas le lieu de la pensée mais l'organe qui pilote le vivant vers ses ressources.

MANET2
Nous humains, nous ne sommes pas fait pour fonctionner uniquement dans cette perspective! Notre cerveau ne sert pas seulement à chercher nos ressources et notre nourriture.

MANET1
Arrêtons de manger.

MANET2
Nous allons travailler?

MANET1
Le travail sert à créer des ressources. Et pour travailler nous avons besoin du cerveau.

MANET2
Nous ne sommes pas sur Terre, seulement pour cela! Nous faisons d'autres choses!

MANET1
Oui, mais orientées vers les ressources de vie et de reproduction.

MANET2
Aujourd'hui, nous avons notre nourriture, nous ne travaillons pas et nous sommes en retraite. Nous allons rester au lit et ne nous laver que pour manger?

MANET1

Nous sommes dans un corps social parce que les humains sont une espèce sociable. La société gère les ressources. Quand un chat a faim, il va chercher sa nourriture. Soit l'humain la lui donne et c'est un "miracle" soit il chasse et il trouve. Nous, nous travaillons huit heures parce que la recherche de ressources est collective, non individuelle. Nous n'allons pas dans la forêt pour attraper un animal et ramasser des plantes. Nous allons au centre commercial.

MANET2
Donc nous évoluons. Et il n'y a que l'humain qui évolue.

MANET1
Tous les vivants évoluent mais chacun à un rythme particulier. Notre évolution vient de notre main qui transforme la nature et qui la met comme on dit "à notre service". Nous organisons l'espace qui nous entoure pour nous faciliter la quête de nos ressources.
Mais cela a un temps. Soit parce que cela peut redescendre si des ressources massives sont épuisées soit pour tout autre évènement qui viendrait perturber définitivement les humains. Il y a de grands peuples qui ont grandi puis disparu tels que les Incas, les Aztèques ou les Khmers d'Angkor. On trouve sur les lieux où ils existaient d'énormes temples et constructions qui aujourd'hui sont vides d'humains. Et ceux qui s'y trouvent n'ont aucune attache avec eux.

MANET2
C'était peut-être le temps de changer. Il ne faut pas toujours dire que c'est l'humain qui tue. Les changements sont naturels et il y en aura encore d'autres. Il ne faut pas en chercher la cause ni parler de provocation.

MANET1
Nous parlions de cela à l'occasion de la discussion autour de cette affirmation que l'humain vit donc il pense et de la conséquence suivante qui disait que puisque le vivant vit donc il pense. Tous les vivants sont en concurrence les uns avec les autres soit comme individus soit en tant qu'espèces. Donc quand un humain dit qu'il pense il dit implicitement qu'il est définitivement supérieur à tous les non-humains. Il le dit implicitement et ainsi il se donne le droit d'utiliser toutes les autres espèces végétales et animales pour faire tout ce qu'il veut: s'en habiller, s'en nourrir, les détruire, les transformer en toutes sortes de choses utiles pour lui. Il y a très longtemps les humains - ils étaient plus faibles - avaient une démarche plus respectueuse des autres vivants. Ils donnaient une âme à tous les objets. Quand une tribu chassait le renne, elle faisait une prière au dieu des rennes pour l'autoriser à prélever un de ses sujets pour s'en nourrir. Et elle proposait des cérémonies propitiatoires.
Si ce penseur estimait que tous les vivants pensent, il aurait des difficultés à couper un arbre, à faire une veste en peau de vache ou à manger sa nourriture habituelle.
A l'occasion des jeux olympiques du Commonwealth qui se déroulent en Inde, on s'aperçoit qu'à New Delhi, il y a énormément de singes en liberté parce qu'il y a un dieu Hanuman, qui est un singe qui est révéré par la population. Or comme les vaches sacrées, ces singes gênent beaucoup la vie quotidienne. Les Hindous ont trouvé une solution: ils ont fait venir de plus grands singes qui chassent les autres. Voilà les conséquences du respect des animaux.
Si nous étions restés à l'époque qui a précédé l'agriculture, la cohabitation avec les autres vivants eut été plus aisée.

MANET2
Tout le monde serait concerné.

MANET1
La conclusion de la conférence, c'est donc "je vis, donc je pense". Et la pensée n'est pas liée au cerveau.

MANET2

On pense en travaillant. Mais quand on pense profondément, on s'immobilise et on est concentré.

MANET1
Allons dans une prairie et regardons les vaches en train de brouter. Leur système digestif est en œuvre. Elles pensent. Asseyons-nous dans le jardin. Un oiseau arrive, se promène, picore, lève la tête, se tourne, recule... Si nous ne bougeons pas, il va rester un certain temps, aller et venir. Il ne pense pas "humain". Un animal vit donc il pense ce n'est pas la même chose que un humain vit donc il pense. La pensée de l'animal n'est pas la pensée de l'humain.

MANET2
Nous ne sommes pas d'accord sur tout mais ce n'est pas gênant.

MANET1
C'est normal puisque chacun de nous occupe un lieu différent.

MANET2
Par contre, nous sommes d'accord pour dire que l'humain pense en humain.

Prenons une simple analogie : une personne s'exprime dans une langue que je ne comprends pas, pour moi ce qu'il dit est incompréhensible définitivement mais pas pour elle.

MANET1:

C'est le problème des historiens. Quand ils n'ont pas de documents sur des faits, ces faits n'existent pas. On ne peut être d'accords avec eux. Cela nous entrainerait à affirmer que toutes les civilisations non écrites n'ont pas d'histoires et qu'elles n'existent pas. Et comme à côté il existe des tonnes de documents sur d'autres peuples, on voit de suite de quel côté leur cœur balance. Ils s'intéressent à ce qui est intéressant. Comment s'occuper de ce qui n'existe pas? Eh bien, il y a une réponse à cette question apparemment absurde: il faut passer par l'éthologie.

 

 

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